Préjugés raciaux et fracture sociale sont au cœur de la contestation mais aussi des séries aux États-Unis. Produite par Reese Witherspoon et Kerry Washington, Little Fires Everywhere*** en offre une belle illustration. A voir sur Amazon Prime Video
Shaker Heights, quartier résidentiel dans une banlieue chic de l’Ohio. Quatre femmes habitent et travaillent dans ce lieu citoyen qui proclame son ouverture d’esprit et sa vision égalitaire du rêve américain. Ces quatre femmes représentent autant de destins : Bebe, immigrée illégale chinoise, se bat pour survivre ; Linda désespère de devenir mère ; Elena, sa meilleure amie, prototype de la parfaite bourgeoise Wasp, veut assurer le meilleur avenir à ses quatre enfants ; quant à Mia, artiste afro-américaine et mère célibataire, elle veut offrir toutes les chances à sa fille Pearl. En proposant à Mia de venir travailler pour elle, Elena fragilise le bel édifice qu’elle a patiemment bâti…
Depuis Big Little Lies , on savait Reese Witherspoon parfaite dans les rôles de bourgeoise au brushing impeccable, aux robes cintrées, rehaussées d’une rangée de perles. Dans cette série Amazon, on la retrouve en mère obsessionnelle et excessive, régentant la vie de tous autour d’elle, façonnant son clan et l’image qu’il renvoie. À la tête d’une famille nombreuse dans une demeure grandiose d’une banlieue chic de l’Ohio, Elena pratique l’hyper vigilance et l’ultra-organisation.
Kerry Washington (Scandal), malgré quelques excès d’interprétation, est tout aussi convaincante dans le rôle d’une artiste activiste (Mia), décidée à façonner sa vie comme elle l’entend. Little Fires Everywhere*** propose un portrait en miroir de ces deux mères que tout sépare – les origines, le mode de vie, les revenus, les rêves, le statut social – à l’exception de leurs combats de femmes et de leur façon de motiver leurs enfants.
En croisant ces deux conceptions de la maternité et de la vie en société, le récit façonne une rencontre explosive qui va briser l’harmonie de façade de ce quartier propret de la fin des années 90. Un affrontement passionnant qui imprime le rythme d’une série pleine de richesses grâce à la diversité et à l’épaisseur de ses personnages secondaires et notamment les rôles adolescents. A commencer par Megan Stott, formidable Izzy (Isabelle).
Parcours de femmes et de mères invisibilisées
Ces quatre parcours de femmes et de mères, semés d’embûches et de renoncements, permettent d’aller au-delà des choix militants ou de la façade de respectabilité. S’ils n’évitent pas toutes les caricatures, ces itinéraires de vie gagnent en épaisseur et en résonance au fil des épisodes, offrant un regard en profondeur sur les États-Unis d’aujourd’hui.
Adaptation en huit épisodes du roman de Celeste Ng, Little Fires Everywhere (sorti en France sous le titre La saison des feux) pose la question des privilèges, des non-dits et des préjugés : tous ces ingrédients qui attisent tensions et conflits aux États-Unis. La série évoque les chances dont on dispose ou pas, le regard que la société pose sur chacun, le racisme larvé et la fracture sociale, la volonté d’atteindre ses rêves et les épreuves qu’il faut parfois franchir pour se trouver. Sans oublier la nécessité pour chacune de définir ses objectifs en tant que femme et pas seulement en tant qu’épouse ou mère…
Pour toutes ces raisons, la série produite par le duo Reese Witherspoon – Kerry Washington décrit avec soin les limites du rêve américain. Le duo permet ainsi à des réalités cachées ou ignorées d’être abordées en télévision : prouvant à de nombreuses femmes, y compris celles issues des minorités, que leurs histoires valent la peine d’être racontées.
Les huit épisodes de la mini-série sont à voir sur Amazon Prime Video. Lynn Shelton (Humpday), réalisatrice de la moitié des 8 épisodes et de nombreux autres de la série Mad Men, est décédée le 16 mai dernier, entraînant une vague d’hommages mérités.
Karin Tshidimba
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