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La question était déjà dans l’air à la fin de la saison 1 de La Trêve et avait suscité des discussions homériques dont nous nous étions fait l’écho (en mars 2016), entre l’équipe et les initiateurs du Fonds des séries belges à savoir: la Fédération Wallonie-Bruxelles et la RTBF. L’équipe de La Trêve (première série belge d’une nouvelle ère) refusant de repartir au charbon sans changement des conditions financières. Finalement, un accord avait été trouvé (en septembre 2016) et une saison 2 lancée, moyennant un budget augmenté: 275 000 euros par épisode en saison 1; 330 000 euros par épisode en saison 2.

Avec la diffusion en cours à la RTBF, le sujet est revenu sur le tapis, poussé notamment par le magazine Médor qui consacre une enquête aux difficultés vécues par les techniciens des séries belges : dépassements horaires, salaires très bas… Des questions qui taraudent visiblement aussi le réalisateur Matthieu Donck lorsque nous avons évoqué, avec lui, la possibilité d’une saison 3 (cf. notre vidéo).

Interrogée, Jeanne Brunfaut, directrice générale adjointe du Centre du cinéma, se dit bien consciente que l’économie des séries belges est « une économie contrainte. Mais on éprouve déjà beaucoup de difficultés à trouver les 330 000 euros par épisode nécessaires pour boucler une saison 1. C’est l’équilibre que l’on doit trouver entre ce qu’on sait finançable en Belgique et le respect des barèmes légaux et des conventions collectives. Même en combinant le tax shelter, la participation éventuelle de Proximus et d’un fonds régional, on a des difficultés à boucler les budgets. »

Le risque n’est-il pas qu’à terme, seuls des techniciens débutants acceptent de travailler pour ces salaires-là ?
« On sait que travailler sur une série belge, ce n’est pas comme travailler sur une grande série française qui vient chercher du tax shelter en Belgique. C’est un élément perturbateur : les gens sont mieux payés sur ces séries internationales, c’est très bien, mais cela fausse les repères et on a des retours de producteurs belges qui nous disent que les demandes de certains techniciens sont trop élevées. C’est sûr qu’on leur demande un effort par rapport aux conditions de travail, mais ce ne sont pas des conditions illégales comme le prétendent certains », insiste Jeanne Brunfaut.

« On pourrait dire qu’on passe à 500 000 euros par épisode, mais cela resterait symbolique parce que nous ne disposons pas de budget supplémentaire, donc on n’augmentera pas notre apport. Les producteurs devront trouver la différence. Or, certains ne parviennent déjà pas à trouver les 250 000 euros fixés à la base… Le cadre que nous avons fixé est lié à ce que nous pensons finançable en Belgique. Et on se rend compte que peu de producteurs sont capables de trouver plus de fonds, surtout pour une saison 1, sans préachat de chaînes étrangères. Le but est que des techniciens plus aguerris coachent des techniciens débutants, c’est comme cela qu’on va créer une industrie. C’est le même type d’économie que dans le court métrage. Si tout fonctionne bien, le but est d’arriver à avoir ce mix sur les tournages« , poursuit Jeanne Brunfaut.

« L’objectif de quatre séries belges par an n’est pas atteint »

La solution passe-t-elle par un nombre plus restreint de séries belges produites chaque année ?
« Quatre séries par an, cela reste un objectif ; on n’y est pas encore. On développe beaucoup de projets et il ne faut pas négliger le budget offert à de jeunes scénaristes pour se lancer dans l’écriture. Si on veut créer l’attachement du public, on ne peut pas se contenter de deux séries par an, comme l’a souligné Jean-Paul Philippot, l’administrateur-général de la RTBF. Lorsqu’on aura atteint l’objectif, il faudra voir comment on peut obtenir une augmentation du budget global du Fonds. Mais la culture n’est pas prioritaire. C’est un projet de politique culturelle qui tient quand même la route. Pour le moment, malgré les critiques, on a toujours des gens enthousiastes qui nous proposent des projets et qui sont prêts à les tourner. »

« Même l’Union des producteurs était étonnée de voir cette levée de boucliers car ils trouvent que cela fonctionne bien », poursuit Jeanne Brunfaut. « C’est à chacun de voir s’il souhaite participer en fonction de sa situation personnelle. On fonctionne dans un cadre contraint mais clair et on est intimement persuadés qu’il n’y pas moyen de trouver des financements supplémentaires pour les séries en Belgique. Monter les budgets, c’est envoyer un message qui va finalement décevoir les producteurs. Tant qu’ils n’arrivent pas à boucler leur budget, ils n’obtiennent pas d’agrément et, donc, il n’y pas de mise en production de la série. Chacun y met du sien, mais partout, les budgets sont serrés », assure Jeanne Brunfaut.

« On a mis le Fonds des séries belges en place en 2013, rappelle-t-elle, on est en 2018 et il y a une vraie émulation: des gens de secteurs très différents se sont lancés dans l’aventure et travaillent ensemble. Il y a un vrai tissu créatif qui s’est mis en place : animation, cinéma et télévision. Avec une meilleure circulation des talents : cela tourne et cela se nourrit.
Ce qui peut donner envie aux politiques de développer encore plus le Fonds séries, c’est de voir un système qui fonctionne bien avec des résultats et des réseaux qui se développent en parallèle. C’est ce qu’on doit démontrer pour obtenir une augmentation de budget »,
analyse Jeanne Brunfaut en espérant, comme d’autres, un avenir plus radieux.

Entretien: Karin Tshidimba