C’est un drame glaçant mais Three Girls*** est surtout une histoire vraie. Un récit en forme d’uppercut relaté par la BBC et proposé ce jeudi sur Arte. On y suit Holly, adolescente un peu brouillée avec ses parents, et mal dans sa peau depuis le déménagement de sa famille dans la banlieue de Manchester.

Dans cet univers gris, sans réel horizon, où des jeunes cherchent seulement à fuir ou à s’amuser, elle rencontre deux cousines, Amber et Ruby, toujours en quête d’une fête où s’éclater et faire de nouvelles rencontres. Même si parfois, l’alcool aidant, les choses dérapent sérieusement.

Série couronnée en Grande-Bretagne de 5 Bafta Awards, Three Girls est à voir ce jeudi à 20h55 sur Arte.

Une jeunesse désœuvrée et alcoolisée

Amber et Ruby ont fait d’un snack pakistanais leur nouveau QG. Tout le monde y est très gentil avec elles : kebabs, frites, boissons et même alcool et cigarettes, le tout servi gratuitement et avec le sourire. Les deux cousines ont l’air cool et Holly se sent tellement seule…

Rapidement initiée à ce lieu où elles sont reçues comme des reines, Holly ne se méfie pas, trop contente des combines trouvées par ses « nouvelles potes » et par les contours séduisants de ce « plan d’enfer ». Car l’enfer n’est pas loin malheureusement. En l’échange de ces « petits cadeaux », le deal proposé, soudain, lui saute aux yeux. C’est en nature qu’Holly est désormais priée de rembourser ses bienfaiteurs…

Tombée dans un environnement totalement toxique, engluée dans la honte et la peur, Holly ne sait pas comment réagir ni comment s’extraire de ce piège. D’autant qu’elle est complètement inféodée à son amie Amber, forte tête, amoureuse du « boss » Tariq, prête à tout pour lui. Impossible d’en parler à ses parents dépassés par les désirs d’émancipation de leur ado…

Seule une employée d’un centre local de prévention sur la sexualité (photo ci-dessous) va constater les transformations physiques de la jeune fille, visiblement perdue et terrorisée.

Attentive autant que bouleversée par la détresse de ces trop nombreuses adolescentes croisées, Sara Rowbotham (photo) va choisir de l’écouter, la croire et l’accompagner. Mais la police et les services sociaux, jugeant la parole de l’adolescente « fuyante et inconséquente », se déclarent rapidement incompétents.

Enquête minutieuse et scandale national

Réalisée avec beaucoup de tact et de sobriété par la réalisatrice Philippa Lowthorpe, cette mini-série, dont le scénario est signé Nicole Taylor, a permis de mettre en lumière les hésitations funestes et les calculs politiques honteux de certains responsables locaux, craignant de se faire taxer de « racisme » alors qu’il s’agissait avant tout de sauver des enfants. Tandis que les services de protection de l’enfance prétextaient, de leur côté, qu’ils ne pouvaient pas intervenir puisque les abus n’avaient pas lieu dans le cadre familial. Pendant que les adultes se renvoyaient la balle, les enfants, eux, continuaient de trinquer…

Elaborée à la suite d’une enquête minutieuse et grâce à la rencontre avec de nombreux témoins, Three girls regarde droit dans les yeux cette réalité abrupte et glaçante. Ce drame, révélé en 2012 au Royaume-Uni comme le scandale de Rochdale, a impliqué des dizaines d’adolescentes vulnérables, alors que les suspects étaient tous des Britanniques d’origine pakistanaise.
Au-delà du sous-texte politique explosif, cette affaire repose la question du crédit apporté à la parole des victimes lorsqu’elles sont mineures, issues de milieu défavorisé et, souvent, dans l’incapacité de donner leur consentement.

Couronnée par l’une des dix meilleures audiences de l’année 2017 (8,2 millions de téléspectateurs), Three Girls a aussi été auréolée de cinq Bafta Awards. Elle a aussi été saluée du prix spécial du jury pour la fiction européenne, en septembre dernier, lors du Festival de la Fiction TV de La Rochelle.

Karin Tshidimba