Au début, on sourit, séduit par le pragmatisme et le franc parler du sergent Catherine Cawood (magistrale Sarah Lancashire, photo) intervenant avec bon sens et détermination sur tous les fronts.
A 47 ans, elle est divorcée, débordée, mais solidement campée sur ses deux pieds. Depuis la mort de sa fille Becky, elle vit avec sa sœur Clare (Siobhan Finneran), ancienne toxicomane; elle élève aussi son petit-fils, Ryan. Catherine a un deuxième enfant, Daniel qui ne lui parle plus depuis des années. Ces vérités sans gloire, elle ne s’embarrasse pas pour les avouer.
Mais cette mère courage, ce « colosse » maternel, a aussi des pieds d’argile. Lorsqu’elle apprend que Tommy Lee Royce (James Norton), le jeune homme responsable de la mort de sa fille, vient de sortir de prison, Catherine est à nouveau rongée par son unique obsession: rendre justice à sa fille.
Happy Valley*** série à découvrir sur France 3 jeudi 15 dès 20h55 consacre le génie du duo féminin Sarah Lancashire – Sally Wainwright et l’ultra-humaine attitude des héro(ïne)s britanniques, soit deux bonnes raison de la (re)mettre en pleine lumière aujourd’hui.
Petites gens, petits projets, grand fiasco annoncé
Ce n’est pas la campagne faussement (tranquille) de Barnaby, ni le Londres trépidant et déclassé de Luther. Le West Yorkshire est un univers entre les deux qui cache parfois des desseins sordides et des rêves fracassés derrière les portes et les fenêtres de petites maisons d’ouvriers.
Dans cette ironique Happy Valley, au-delà des clôtures, des étangs et des verts paysages , il y a aussi une population frappée de plein fouet par le chômage, l’alcool ou les trafics en tous genres. Une vallée qui n’a souvent de très vert que l’herbe qu’on y fume entre deux drogues nettement moins tendres. Pour le commissariat du coin, les urgences se succèdent et se ressemblent entre conduite en état d’ivresse et querelles de voisinage. Un jour pourtant, ce quotidien est bouleversé par un projet de kidnapping en tous points foireux, fomenté par un modeste employé, Kevin Weatherill (Steve Pemberton), fatigué d’être sans cesse rabaissé. Toujours se méfier de l’eau qui dort, dit la sagesse populaire…
La rudesse de la campagne anglaise
Il y a du Fargo dans cette entreprise mal pensée, mal fagotée, improvisée entre deux portes, qui ne peut que mal finir pour tous ceux qu’elle implique. Car on le sent bien : des vies seront détruites par cette course aveugle à l’argent facile. De dérapages en engrenages, la série se révèle bien plus sombre qu’on le pensait. Pas très rose, en termes de réalité sociale, en tout cas. Une succession de hasards et de faits insensés nourrissent un suspense savamment dosé, de quoi éclairer non pas le charme mais la rudesse de la campagne anglaise.
C’est cet ultra-réalisme, cette densité et cette complexité humaines, ce portrait chavirant d’une flic abîmée par la vie que le public a applaudi. Ravi de retrouver le duo Sarah Lancashire et Sally Wainwright (la scénariste) à nouveau réuni après leur consécration dans la série Last Tango in Halifax couronnée de plusieurs Bafta en 2013 et 2014. Un tandem qui déploie une nouvelle fois une grande humanité dans le traitement des émotions.
A la manière d’un peintre, Sally Wainwright brosse un tableau d’ensemble détaillé et très équilibré autour de son personnage central. Des petites gens, parfois couards, dont certains sont rongés par l’envie et prêts à tout (ou presque) pour s’extirper de leurs vies étriquées. Un réalisme social qui fait la grandeur et l’originalité de la fiction britannique.
La série s’est largement fait connaître a l’international mais on ne se lasse pas d’en parler, d’autant que la saison 3 devrait arriver à la fin de l’année à la BBC. Couronnée au Fipa 2015, France 3 se décide enfin à la diffuser. Deux saisons d’affilée, soit douze épisodes d’une grande cohérence et d’une complète maîtrise scénaristique.
Karin Tshidimba
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