Ce n’est pas une série dans laquelle on se plonge avec délectation. On y va même un peu à reculons, vu sa réputation et l’univers glaçant qu’elle propose. Mais la cérémonie des Emmy awards – où elle vient de remporter 5 prix et non des moindres (*) – les manifestations et remous récents aux Etats-Unis – dont elle est devenue l’emblème – ainsi que les échos de la rentrée littéraire remettent plus que jamais la pertinence de La Servante écarlate*** en lumière.
Dans cet univers fascinant dépeint par l’auteure canadienne Margaret Atwood, l’environnement est tellement pollué que la fertilité a drastiquement chuté. Les femmes fertiles y sont donc repérées et assignées, en tant que servantes spéciales, à des foyers dûment sélectionnés: des personnalités importantes de la République de Gilead en mal d’enfant, dont elles deviendront les « génitrices ».
mise à jour (18.09): Carton plein pour The Handmaid’s tale, la série a remporté l’Emmy de la meilleure série dramatique, celui de la meilleure actrice dramatique pour Elisabeth Moss, celui du meilleur scénariste pour Bruce Miller, du meilleur(e) réalisateur(trice) pour Reed Morano et de la meilleure actrice dans un second rôle dans une série dramatique pour Ann Dowd.
Un palmarès mérité pour cette dystopie, imaginée en 1985, jugée aujourd’hui prémonitoire par nombre d’observateurs…
Entièrement vêtues de rouge, les servantes vont deux par deux à travers la ville, pour faire les courses et satisfaire les désirs de leurs maîtres. Chacune espionnant l’autre du coin de l’œil. Tout dans la cité – la police en armes et le mur des pendus -, leur rappelle les sanctions auxquelles s’exposent ceux qui enfreignent les règles.
Dans cette société d’humiliation, de délation et d’oppression, les Gardiens de la Foi règnent en maîtres et imposent aux servantes vêtues de rouge, de marcher les yeux baissés sous leur coiffe blanche semblable à celle des nonnes, jadis.
Leur quotidien est hanté par la peur, le soupçon et l’oppression. Le pire, dans cette société totalitaire, est la menace latente qui pèse en permanence sur votre tête car nul ne sait jamais d’où peut venir la sanction ou la délation.
Livre prémonitoire et mise en garde
The handmaid’s tale*** (paru en 1985, traduit en 1987 chez Robert Laffont) est un livre prémonitoire selon certaines activistes qui voient dans l’Amérique de Trump une volonté constante de réduire les droits des femmes en s’attaquant notamment aux avancées concernant l’avortement, le mariage gay, etc.
Dans son roman, Margaret Atwood rappelle que la volonté de prendre le contrôle du corps des femmes n’est pas uniquement présente dans certains pays lointains, mais également dans des sociétés occidentales qui se croient pourtant très modernes. Plus de trente ans après, elle dit toujours vrai car ce qu’on a pu voir en Pologne, notamment, avec les marches des femmes en faveur du droit à l’avortement, s’est également produit en Inde, aux Etats-Unis ou en Turquie, où la proposition de loi permettant d’échapper à la condamnation pour viol sur mineure en cas de mariage, a finalement été retirée en novembre dernier…
Diffusée sur la plateforme Hulu au printemps et portée, entre autres, par les formidables Elisabeth Moss, Ann Dowd et Alexis Bledel, la série fera ses débuts en France à la fin septembre.
Tandis que toute l’équipe attend le verdict des Emmy Awards, décernés ce dimanche soir, Alias Grace, adaptation d’un autre roman de Margaret Atwood en série, est annoncée en novembre sur Netflix.
Enfin, au rayon librairie, la rentrée littéraire marque la parution du nouveau titre de Margaret Atwood chez Robert Laffont: « C’est le cœur qui lâche en dernier ». De quoi contenter tous les admirateurs de cette grande auteure.
Karin Tshidimba
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