Ce vendredi, Netflix a mis en ligne Sense8** la première série du duo Wachowski, un projet énigmatique et intrigant qui requiert du temps pour se dévoiler et imposer sa logique « méta ».
Dans ce thriller fantastique se déroulant sur les quatre continents, on retrouve leur univers et une grande partie de leurs obsessions. Les fans applaudiront sans doute, les autres risquent de se perdre (un peu) en route d’autant que les premiers épisodes s’avèrent réellement confus. On peut cependant reconnaître que Netflix pour séduire un public dépassant le seul giron américain n’a pas lésiné sur les moyens…
Pour les Wachowski, il s’agissait d’un véritable pari, rappelle notre collègue Aurélie Moreau.
Les deux frères (jusqu’à ce que Larry devienne Lana) et réalisateurs du cultissime « The Matrix » n’ont, en effet, jamais renoué avec le succès de leur deuxième long métrage. « Speed Racer », « Cloud Atlas » et « Jupiter Ascending » n’ont séduit ni le public, ni la critique.
Malheureux au box-office, de moins en moins courtisés par Hollywood, Andy et Lana souhaitent désormais « changer le vocabulaire de la télévision« . Netflix, qui rêve de produire un succès à la « Game of Thrones« , leur a donné carte blanche pour réaliser une nouvelle série: « l’une des propositions les plus ambitieuses« du catalogue en ligne.
« Le budget est au moins aussi conséquent que celui de leur film« , a indiqué Ted Sarandos, le directeur des programmes.
Il est vrai que « Jupiter ascending » avait coûté pas moins de 175 millions de dollars.
Pour réaliser ce récit polyphonique de science-fiction et permettre à Netflix de diversifier son offre (et donc son audience), huit équipes de tournage ont été expédiées dans huit lieux différents: Berlin, Chicago, Londres, Mexico, San Francisco, mais aussi l’Inde, le Nigeria et la Corée du Sud.
Aucune limite, aucune censure n’ont été imposées aux réalisateurs… Du coup – c’était le risque avec les Wachowski – leur premier projet, Sense8, est soit (trop) riche, soit (très) compliqué.
Questionner la nature humaine
On y croise une jeune femme, en proie aux psychotropes et aux hallucinations (prophétiques ?), qui connecte par la pensée – et à travers leurs sens – huit individus (des élus), avant de s’ôter la vie. Depuis, ces blogueurs, DJ, flics, scientifiques, bandits et comédiens partagent une conscience commune.
En théorie, le contenu paraît alléchant. Seulement, sur petit écran, l’intrigue est tellement décousue qu’elle demeure un mystère. Seuls des actions répétitives, de vains ressassements, quelques indices, quelques bribes d’information, sans contexte et sans homogénéité sont livrés sur ces liens transcendants pour le moins énigmatiques.
« Sense 8 est un puzzle, indique Michael Straczynski, qui a imaginé la série avec les Wachowski. C’est un récit global, raconté à une échelle planétaire. Sense8 est une histoire sur la transcendance humaine, et finalement sur ce que cela signifie d’être humain dans nos sociétés contemporaines. »
Netflix n’a dévoilé que trois épisodes à la presse. Un parti pris qui ne rend pas service – ni justice – à la série des Wachowski. Impossible, en effet, de saisir le propos des deux auteurs, bien que se dessinent rapidement leurs thèmes de prédilection : philosophie New Age, conflits d’identité, expériences sensorielles, transmigration des esprits, des corps et des âmes.
Le regard artistique si particulier des Wachowski s’exprime finalement très peu. Ceux qui s’attendaient à (re)apprécier leurs habituels débordements baroques, voire carrément rococo, risquent d’être déçus.
AuM
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