Treme**** a achevé son parcours aux Etats-Unis aux portes de 2014. Pour ceux qui l’auraient ratée, ou qui l’attendraient, la saison 4 est déjà disponible en DVD.
Quelques mois avant le tournage nous avions eu l’occasion d’en causer avec son créateur l’épatant David Simon. Accompagné de son comparse de longue date, Eric Overmyer.
«Sans l’ouragan Katrina, nous n’aurions jamais pu faire la série Treme. Nous en parlions déjà lorsque nous travaillions sur Homicide. Eric vivait là-bas depuis 1998 et nous aimions tous les deux la ville.» «On s’était dit qu’on devrait faire une série, mais la seule chose sur laquelle on s’était mis d’accord était qu’elle devait parler des musiciens» renchérit son complice de la série The Wire.
Ce qui, aux yeux de David Simon et de son comparse Eric Overmyer, apparaît comme une évidence ne l’est pas pour les studios. Le sujet, à l’époque, ne semble même pas du tout porteur…
«On n’avait jamais eu le courage d’aller le pitcher à Los Angeles. Le problème c’est que si vous ne connaissez pas la Nouvelle-Orléans, c’est très difficile d’expliquer l’atmosphère de la ville et ce dont nous allions parler. Qui va bien au-delà de la tradition du Mardi Gras», explique David Simon.
«Finalement, Katrina a préparé le terrain pour nous car, de toute façon, il aurait été impossible de parler de la Nouvelle-Orléans sans mentionner les ravages des ouragans. En quelque sorte Katrina a déterminé la direction qu’allait prendre la série, si une chaîne acceptait de la commander. Et tout le mérite en revient vraiment à David car ma maison et toute la ville étaient tellement détruites que j’ai pensé que nous avions raté l’occasion d’en parler et que nous ne pourrions jamais faire une série sur Nola. Mais David m’a dit: ‘nous devrions justement partir de cela’. Il avait tout à fait raison.»
«Bien sûr l’ouragan a attiré les regards du monde entier sur la ville. Et en un instant, l’idée d’une série sur la Nouvelle-Orléans et sur sa culture, après l’ouragan, devenait pertinente et porteuse. Nous avons compris qu’à ce moment-là, il y avait une fenêtre d’opportunité comme on dit et nous nous sommes engouffrés» sourit David Simon.
Mais l’attention du public a été fugace et les audiences se sont mises à fondre. «Tous les projets sur lesquels j’ai travaillé ont toujours été en quête de davantage de téléspectateurs et n’ont jamais eu l’audience que l’on espérait. Même Homicide qui est la série sur laquelle j’ai appris mon métier.
«The Wire aussi perdait des téléspectateurs à chaque saison et est sans doute davantage vue aujourd’hui qu’à l’époque de sa diffusion. Parce que The Wire représentait un véritable défi pour son public. Les audiences étaient les mêmes pour The Corner ou pour Treme, aujourd’hui. Si c’est le critère selon lequel on juge mon travail, alors cela fait plus de deux décennies que j’échoue.»
Il sourit. «Treme est sans doute l’un des projets les plus adultes et les plus exigeants sur lesquels j’ai travaillé jusqu’ici et je ne l’échangerais pour rien au monde.»
«The Wire était une longue fable et continue à gagner des spectateurs depuis qu’elle n’est plus diffusée. Nous espérons faire de même avec Treme» embraye Eric Overmyer, philosophe.
David Simon en est persuadé: «Pour peu que nous puissions aller au bout de notre 4e saison afin que l’histoire soit solide et cohérente, la série pourra trouver son public. Nous vendons davantage de coffrets DVD de The Wire ou de Generation Kill aujourd’hui qu’il y a deux ans.»
«Il y a toujours plus de programmes et de plate-formes différentes, il faut donc trouver son public de plus en plus rapidement alors que certaines productions réclament du temps.» Avec 5 épisodes au lieu de 10, la dernière livraison (déjà disponible en DVD) a, en partie, écourté leur rêve.
«C’est le concept du show: on n’ y parle pas du maire ou du chef de la police mais de personnes banales, de leurs qualités personnelles et de leur place dans la ville. C’est l’histoire de gens ordinaires placés dans des circonstances extraordinaires. Ceux que l’on a vu se battre pour que la ville redevienne comme avant, étaient de simples citoyens, profondément attachés à leur cité. Malgré les catastrophes, ils ne pouvaient imaginer aller vivre ailleurs» précise Eric Overmyer.
«Même si ce n’est pas la réputation des Etats-Unis d’être une nation très culturelle, nous le sommes et la Nouvelle-Orléans l’est particulièrement, enchaîne David Simon. Nola n’est pas un museum, un lieu guidé par de vieilles traditions. La musique s’y crée tous les jours, la culture est la racine, la base de tout. Ils utilisent leurs traditions pour inventer leur quotidien, malgré et surtout à travers les difficultés.»
«La culture est vraiment ce qui relie les habitants de Nola. Avant Katrina, la population de Nola était l’une des moins mobiles du pays. Et le fait que des centaines de milliers de personnes ne sont jamais revenues a été un vrai traumatisme pour la ville» insiste Eric Overmyer.
«Avant Katrina, les sondages établissaient que 70 % des gens habitant Nola y étaient nés. C’est de cela aussi que parle Treme, de cet attachement viscéral à la culture et aux racines.»
«C’est sans doute la composante qui manquait à l’étude de Baltimore dans The Wire. J’ai vécu à Baltimore, j’y ai toujours une maison. Je m’investis dans cette ville et dans son futur. Et là aussi, j’entendais les gens dire: pourquoi ne quittent-ils pas la ville puisque la situation est si difficile ? Cela me mettait en colère car je trouve cette mentalité choquante. Et c’est une question que je voulais aborder: que faisons-nous de nos villes? Comment réagissons-nous dans l’adversité? Quelles sont nos potentialités ?» insiste un David Simon incisif.
«L’idée de simplement abandonner une ville en déclin comme ça a été le cas avec Détroit me choque profondément. Il y a des tas de choses qui fonctionnement mal à La Nouvelle-Orléans: les écoles, les hôpitaux, la police, la municipalité, etc. Mais en tant que citoyens, que pouvons-nous faire pour régler ce merdier? C’est cela, la vraie question. D’autant que l’après-ouragan a tout de même permis de mieux organiser certains services.»
«Il nous fallait raconter cette histoire d’une catastrophe qui est tout sauf naturelle. Qui est le fruit de l’absence de prévisions (politiques) et de précautions (infrastructures comme les digues, etc.) Un programme télévisé peut vraiment changer notre regard sur le monde. Et montrer ce que nous allons léguer aux générations futures, malgré tout: la musique, la cuisine, nos traditions, nos racines, etc.» Des notions unies comme les doigts de sa main.
Entretien: Karin Tshidimba, à New York
-> Treme, saison 4, coffret 2 DVD, HBO
nb: suivez les mots en bleu pour retrouver les critiques (et extraits) des saisons 1, 2 & 3
mise à jour (18/03): Anthony LaPaglia, ex-”FBI portés disparus” et Kim Dickens (“Treme”) seront à l’affiche de «Red zone» à la rentrée sur ABC. L’acteur australien incarnera un agent de la CIA à la retraite. Devenu entraîneur de l’équipe de foot d’un lycée, il reprendra du service face à une attaque terroriste à Washington.
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