« En progrès mais peut mieux faire ». Voici le commentaire qui pourrait figurer sur le bulletin à l’export des séries françaises telles que « Engrenages », « Braquo » ou « Maison Close ».
Réunis à Londres à l’occasion du festival de séries TV “Totally Serialized”, les professionnels du secteur ont fait le constat que les séries télévisées françaises « se vendent désormais sur les marchés anglo-saxons mais restent handicapées par la langue et le peu d’épisodes produits ».
En effet, très souvent, une série française compte huit à douze épisodes par saison, produits tous les deux ans, là où une série américaine offre une nouvelle saison chaque année pouvant contenir jusqu’à 22 épisodes et une série britannique une saison annuelle de 8 à 12 épisodes.
Un problème de rythme de production qui serait lié au manque de “scénaristes expérimentés”, selon Dominique Jubin, directrice adjointe de la fiction de Canal+.
“C’est dur de faire patienter une audience pendant deux ans. Avec plus de volume, les clients étrangers achèteraient plus facilement”, explique Alexandre Piel, de la société Zodiak.
En 2011, la France a vendu ou pré-vendu pour 38,8 millions d’euros de fictions à l’étranger (un chiffre en progrès de 39,5% par rapport à 2010), dont 12,3 M en Italie, « premier marché à international” et 7,4 M au Royaume-Uni, selon le Centre national du cinéma (CNC).
Si, pendant longtemps, les séries françaises “manquaient de rythme et offraient des univers complètement déconnectés du réel”, aujourd’hui, elles “intéressent les acheteurs étrangers”, indique Mathieu Béjot, directeur de TV France international (TVFI), l’organisme chargé d’aider les professionnels de la télévision à vendre leurs programmes à l’étranger.
Le renouveau de la création française découle d’un heureux changement des mentalités lié à l’arrivée en masse des séries américaines sur les écrans français, à la multiplication des chaînes thématiques en demande de programmes originaux, et à un “effet Canal+”.
“Canal+ s’est lancé depuis huit ans dans une politique assez ambitieuse sur les séries. L’abonné paie pour être surpris, dérangé, c’est donc dans leur ADN d’offrir des séries qu’on ne voit nulle part ailleurs”, a-t-il détaillé. Il faut surtout dire qu’il était grand temps que cela se fasse…
Sous cette impulsion, les séries tricolores “sont devenues plus inventives”, confirme Lorraine Sullivan, directrice du festival « Totally Serialized » organisé par l’Institut français de Londres. BBC4 a ainsi acheté en 2006 la série “Engrenages”, une création originale de Canal+. Le précédent feuilleton vendu en Grande-Bretagne était “Belle et Sébastien”… en 1967!
Rebaptisée “Spiral”, la série qui traite du monde policier et judiciaire parisien comptait, en 2011, 500.000 fidèles sur BBC4, une audience presque deux fois supérieure à la moyenne des “prime times” de la chaîne, s’est félicité TVFI.
Visible également aux Etats-Unis sur la plateforme Netflix, cette série a ouvert la voie à l’achat par la chaîne britannique FX de « Braquo » (également vendue à la plateforme américaine Hulu) et de la mini-série « Mesrine ». Quant à « Maison Close », qui relate la vie des prostituées à Paris à la fin du XXe siècle, elle a été achetée par Sky Art. La saison 2, toujours réalisée en partie par Mabrouk El Mechri (les 4 premiers épisodes sur 8), démarre ce lundi soir sur Canal+.
Ces ventes « rapportent peu », en fait, mais ont permis de « percer sur un marché extrêmement prescripteur, facilitant les ventes dans d’autres territoires », fait valoir TVFI.
En effet, au Royaume-Uni, une chaîne britannique peut acheter la série complète « Les Revenants » (8x52min) pour moins de 80.000 euros quand un épisode a coûté près de 1,4 million d’euros à produire, explique Alexandre Piel, de la société Zodiak, qui distribue à l’étranger cette nouvelle série de Canal+.
Des ventes qui restent aussi handicapées par la langue car à Londres comme outre-Atlantique, « on n’aime pas le doublage, ni le sous-titrage », note Mathieu Béjot.
Ce qui entraîne deux conséquences:
1- Aux Etats-Unis, l’attrait croissant pour les séries Made in France s’est d’abord traduit par la vente des droits de remake d’une dizaine de séries françaises dont « Engrenages », « Braquo », « Pigalle la nuit », « Mafiosa », ou « Les hommes de l’ombre », la minisérie politique de France 2.
2- Aujourd’hui, les coproductions internationales, à initiative française mais tournées en anglais, se sont également multipliées avec notamment « Borgia » ou « Le Tunnel » pour Canal+, « Jo » (avec Jean Reno) pour TF1, ou l’adaptation en série du film « Le Transporteur » pour M6.
Ces coproductions permettent en effet de disposer de davantage de fonds, dès le départ, de raccourcir les temps de production et de proposer un « produit » directement disponible dans la langue de l’acheteur… Soit un maximum d’avantages à condition de garder au produit fini une véritable saveur originale et de ne pas le transformer en une sorte de « gloubi boulga » international.
KT (avec AFP)
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