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La comédienne s’impose en autocrate glaçante et givrée, politicienne hypocondriaque retranchée dans un univers à la fois somptueux et oppressant. À voir sur Be tv, à 20h30

La chancelière Elena Vernham (Kate Winslet) règne d’une main de fer sur son petit pays (fictif) d’Europe centrale, réputé pour ses mines de cobalt et ses champs de betterave sucrière. Depuis quelque temps, les menaces que des mystérieuses moisissures font peser sur sa santé la paralysent, obligeant son staff à une désinfection permanente du Palais et de ses occupants.

Afin de renforcer son pouvoir, la chancelière fait venir auprès d’elle le caporal Zubak (Matthias Schoenaerts), un homme fruste et violent qui a réprimé dans le sang la révolte des mineurs, récoltant au passage le surnom de “Boucher”. Au fil des semaines, leur alliance semble entretenir le caractère imprévisible et les velléités tyranniques de la chancelière… Une intransigeance dictée par sa volonté de rendre fier son papa, décédé depuis trois ans déjà, mais dont elle entretient la mémoire avec dévotion. Cette volonté de marquer les esprits et de ne laisser personne lui dicter sa conduite l’a déjà poussée à révoquer quelques-uns de ses proches collaborateurs. Au sein du staff du palais comme du gouvernement, la plus grande docilité est donc de mise en toutes circonstances.

Le pouvoir, son discours et ses folies

La folie du pouvoir qui corrompt et avilit, le fanatisme et la dérive autoritaire sont au cœur de The Regime, série imaginée par Will Tracy (The Menu, Succession), réalisée par Stephen Frears (The Queen) et Jessica Hobbs (The Crown).

Avec cette chancelière complètement hors sol, dont les lubies rythment la vie de son gouvernement et de son pays – distillant sa bonne parole par télévision et radio interposées -, la série interroge le règne des fake news et des vérités parallèles. Le ton du récit navigue entre la satire et la tragédie politique. Le ridicule des mesures prises et des discours prononcés empêche la parodie de sombrer dans une tonalité trop sinistre.

Kate Winslet et Guillaume Gallienne, couple détonant au sommet du pouvoir dans un pays fictif d’Europe centrale, dans « The Regime ».

Même si la critique politique ne va pas aussi loin qu’on aurait pu l’imaginer – on est plus dans la farce que dans la satire – la série décrit bien la dérive autocratique de certains despotes et les conséquences que cela entraîne pour leur entourage et leur nation. Et on ne peut s’empêcher d’y percevoir des allusions appuyées aux difficultés politiques et tensions récentes survenues entre États-Unis, Europe, Chine et Russie, entre autres.

Matthias Schoenaerts, un allié de poids

Femme politique fascinante, prisonnière de ses propres contradictions, Kate Winslet est impériale dans le rôle de cette chancelière déterminée à se maintenir au pouvoir et à garder l’ascendant sur son gouvernement et son peuple coûte que coûte. Elle est royalement secondée dans ses fonctions par le Belge Matthias Schoenaerts bluffant dans le rôle d’un soldat fanatique, sorte de brute épaisse prêt à faire tout ce qui est en son pouvoir pour plaire à la chancelière (dont il est épris). Guillaume Gallienne brille dans le rôle de Nicky, l’époux esthète, amoral et exagérément compréhensif. Le reste du casting est tout aussi convaincant : Andrea Riseborough (To Leslie) en gouvernante discrète, servile mais perspicace et Hugh Grant, en ex-chancelier démis de ses fonctions.

En six épisodes, The Regime fait la chronique d’une catastrophe annoncée, constituée de revirements, de décisions délétères, de coups bas et de contre-vérités.

En 2021, Kate Winslet apparaissait déchirante et harassée en policière poursuivie par les affres de son passé, dans la série HBO, Mare of Easttown. Une performance d’actrice saluée à la fois par la critique et par le grand public. Dans The Regime, nouvelle mini-série produite par HBO, la comédienne britannique renoue avec une prestance à mille lieues de celle qu’elle arborait en tant qu’enquêtrice en Pennsylvanie et qui la rapproche davantage du rôle qui l’a révélée à l’international dans le film Titanic ou dans la mini-série Mildred Pierce.

Karin Tshidimba