À travers l’histoire de cette chimiste empêchée, devenue star de la télévision, Lee Eisenberg revisite l’Amérique sexiste et ségrégationniste des années 50. A voir sur Apple TV dès le 13/10
Même si elles ne boxent pas dans la même catégorie – le sens de l’humour d’Elizabeth Zott laissant considérablement à désirer –, on peut trouver bien des points communs entre les parcours de (La Fabuleuse) Mrs Maisel et de Miss Zott. Et pas seulement dans leur impeccable dressing, composé en grande partie de robes cintrées. L’une comme l’autre sont lasses d’être reléguées au rang de mère au foyer et ont su se battre pour faire entendre leurs voix. La première en montant sur la scène d’un Comedy club, la seconde en se servant d’une émission culinaire comme tremplin et porte-voix pour toute une génération de femmes bien décidées à ne plus se laisser snober.
Créée par Lee Eisenberg (WeCrashed, Little America), portée par la comédienne Brie Larson (Room, Captain Marvel) et par Lewis Pullman (Top Gun Maverick), la série est adaptée du best-seller de Bonnie Garmus, La Brillante destinée d’Elizabeth Zott, paru en 2022. Un livre qui évoque la force que chacune ou chacun peut trouver en soi et l’effet d’entraînement que cela peut avoir sur d’autres…
Avec sa voisine, Harriet Sloan, avocate et membre éminente de la communauté afro-américaine du quartier, elle affronte les préjugés racistes et sexistes qui plombent le quotidien des femmes dans les années 50. Lessons in Chemistry (son titre en VO) n’est pas seulement un livre et, désormais, une série porte-drapeau ou porte-étendard. Son intérêt et sa richesse vont bien au-delà de la cause féminine. À travers ce récit, de multiples points de vue et regards sur l’époque et ses spécificités s’expriment : défis raciaux et sociaux sur fond de marches pour les droits civiques et de protestations non-violentes – à travers le portrait de la voisine d’Elizabeth: Harriett Sloane (Aja Naomi King vue dans How to get away with murder) – abus de pouvoir et dérives publicitaires dans le secteur télévisuel, alors en plein essor… Mais aussi drame familial à travers les histoires personnelles cabossées de différents membres de la famille Zott.
Le récit est avant tout celui de la revanche d’une anti-héroïne : en dépit de son physique avenant, la jeune femme décrite par Bonnie Garmus est asociale et renfermée sur elle-même. Elle souffre d’anxiété et peine à se lier avec des inconnus ou même ses collègues. Avant de transformer la vie des milliers de femmes qui se sont mises à regarder son émission, c’est son propre destin qu’Elizabeth Zott a patiemment remodelé et même, plus précisément, façonné à l’image de celle qu’elle souhaitait devenir.
Sa façon d’encourager chacun à se dépasser – “On ne s’en sent pas capable jusqu’à ce qu’on tente à plusieurs reprises de le faire et qu’on s’y emploie chaque jour à nouveau” – son grand sens pédagogique et ses incroyables talents culinaires ont fait d’elle, au fil des semaines, une source d’inspiration et un modèle d’émancipation pour son public féminin et masculin. Tout en apportant un nouvel éclairage sur les sacrifices consentis par de nombreuses générations de femmes pour se mettre au service de leur mari et de leur foyer.
En analysant les ingrédients qui ont donné une saveur si particulière à l’époque, Lessons in chemistry nous livre une recette susceptible d’enrichir et équilibrer notre quotidien. Si le jeu de Brie Larson semble trop affecté dans certaines scènes d’émotion, la variété de tons et d’approches proposés enrichit le propos de la série, qui dépasse de loin le seul prisme féministe.
Karin Tshidimba
Nb: Les deux premiers épisodes seront disponibles ce vendredi 13/10, les six suivants le seront au rythme d’un épisode par semaine. Jusqu’au 24/11, donc.
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