Les scénaristes américains dénoncent la précarisation de leur métier. Les conséquences sur la production et la diffusion des films et séries sont de plus en plus (pré)visibles.
Voilà un mois que les post-it, claviers et crayons sont devenus des symboles de la lutte des scénaristes contre la toute puissante industrie audiovisuelle à Hollywood. Au coeur de leurs revendications : les salaires et droits résiduels qui doivent permettre aux scénaristes d’être « mieux rétribués » en cas de succès de leurs créations.
Or, à l’ère de la SVOD et des saisons toujours plus courtes (6 à 8 épisodes contre 22 il y a quelques années), la précarisation du métier ne cesse d’augmenter : alors que les bénéfices des studios ont augmenté de 39 % sur la dernière décennie, le salaire moyen des scénaristes a chuté de 4 %. « Le gâteau s’est agrandi, mais la part des scénaristes a considérablement diminué » a expliqué un des scénaristes en grève dans Le Guardian.
La grève a notamment mis en lumière la pratique décriée des mini-writing rooms. De quoi s’agit-il ?
Les scénaristes embauchés dans une mini writing-room sont moins nombreux, moins bien payés et ont moins de temps pour écrire le même nombre d’épisodes qu’une writer’s room classique. Ils ne sont pas non plus assurés d’être associés au futur développement de la série. Or, cette phase de développement est justement la plus importante pour poser la base de l’univers dans lequel évolueront les futurs personnages. La multiplication du nombre de séries produites n’entraîne pas du tout une consolidation de leur activité pour les 11000 créatifs rassemblés au sein de la Writers Guilde of America (WGA).
Pauses, reports et diffusions étalées
Lors des dernières négociations salariales, renouvelées tous les trois ans, la réponse des studios — Netflix, Amazon Prime Video, Apple TV+, Disney+, Discovery-Warner, NBC Universal, Paramount, Sony — a été jugée insuffisante par les syndicats « compte tenu de la crise actuelle que traversent les scénaristes ».
A ce stade de crispation, on se retrouve face à quatre cas de figure: les écritures de séries mises en pause (Stranger Things, Yellowjackets, Abbott Elementary, Andor, Daredevil : born again, Severance, etc.), les tournages reportés (The Last of us, Euphoria), les tournages qui se poursuivent, mais sans supervision scénaristique (House of the dragon). Or des changements et ajustement de scénarios sont fréquents en cours de tournages… Et, enfin, les séries dont la production est terminée (Good Omens, Le Seigneur des anneaux : Rings of power) mais dont la diffusion sera peut-être étalée dans le temps afin de couvrir une éventuelle pénurie.
Que ce soit sous forme de programmations étalées dans le temps, ou de saisons plus courtes, la grève aura de toute façon un impact sur l’amateur de séries.
Pour rappel, en 2007, plus de 12 000 scénaristes s’étaient mis en grève et, dans les faits, de nombreuses séries avaient vu leurs saisons être raccourcies. Le mouvement avait duré 100 jours et coûté 2 milliards au secteur.
On sait que certaines grandes chaînes comme ABC ont déjà prévu une grille de rentrée pratiquement sans aucune nouveauté en matière de séries. L’impact sera d’autant plus grand que la grève ne mobilise pas seulement des scénaristes, de nombreux réalisateurs et réalisatrices mais aussi quelques producteurs très en vue ont marqué leur soutien au mouvement en cours.
Karin Tshidimba
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