Le célèbre cinéaste franco-grec envisage trois saisons pour mettre en images les trois tomes de la saga originelle imaginée par l’auteur de best-sellers

Avant même de devenir l’auteur de best-sellers que tout le monde s’arrache, avec 23 romans au compteur et 50 millions d’exemplaires vendus, Marc Levy a vécu plusieurs vies, travaillant dans le secourisme, l’informatique, l’architecture et puis la chanson. À travers toutes ces expériences, c’est “la marche du monde” qui l’intéresse le plus comme le prouve sa trilogie des 9, entamée en 2020, avec C’est arrivé la nuit, suivi en 2021 du Crépuscule des Fauves. Une saga au puissant parfum de géopolitique et d’espionnage en prise avec nos maux contemporains : collusion dans l’industrie pharmaceutique, désinformation sur les réseaux sociaux, sort des réfugiés syriens, dictature, lanceurs d’alerte et liberté d’expression…

La force du réel s’impose aux 9

Si les manipulations autour des élections étaient présentes dans le deuxième tome de sa saga, le lecteur reste ébahi devant l’intrigue de Noa, publié en mai dernier, mais écrit il y a plus d’un an. Le roman offre en effet un furieux écho aux tensions européennes actuelles avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, de quoi se demander si l’écrivain n’est pas aussi un peu devin… Une hypothèse qu’il balaie d’un revers de la main, jurant que “tous les signes étaient bien présents pour imaginer ce qui allait arriver”. Il rend toutefois hommage à ceux qui, non seulement dénichent les infos, mais n’ont pas froid aux yeux “face aux tentatives de déstabilisation”. Comme la journaliste Carole Cadwalladr du Guardian, à l’origine du scandale Cambridge-Analytica, à laquelle il dédie son roman.
Sondant les ressorts du roman d’espionnage, Noa mêle messages cryptés, fausses identités et assassinats programmés au cœur d’une intrigue à suspense extrêmement efficace qui témoigne de sa clairvoyance, mais aussi de sa bonne connaissance de la nature humaine et des forces en présence sur l’échiquier mondial.
Ce goût de l’observation et de l’analyse, il l’a porté jusque sur les plateaux de tournage où il a été invité fréquemment lors des différentes adaptations de ses romans et ce, dès 2005, avec Just Like Heaven (Et si c’était vrai en VO) réalisé par Mark Waters avec Reese Witherspoon et Mark Ruffalo. De là à s’imaginer lui-même dans le fauteuil de l’auteur-producteur, il n’y avait (presque) qu’un pas que Marc Levy a franchi l’an dernier en compagnie de Miguel Courtois, en adaptant son livre Toutes ces choses qu’on ne s’est pas dites.

Porté par le goût du cinéma

Cette nouvelle “carrière” de scénariste-producteur et de showrunner de la série All Those Things We Never Said l’emballe profondément. “C’est le quatrième de mes romans qui est adapté. Passionné de cinéma, j’ai déjà souvent passé du temps auprès de metteurs en scène. C’est grisant d’être impliqué chaque jour au service de l’histoire, de travailler main dans la main avec un réalisateur, c’est un travail de coordination assez passionnant.”
“L’adaptation est une histoire de construction et de déconstruction, poursuit-il. Une adaptation ne consiste pas à filmer les pages d’un livre. La question est de savoir ce que raconte le livre et qui sont les personnages. Il faut en garder l’essence en s’adaptant à un média différent. Ce qui me plaît, c’est de travailler avec quelqu’un qui est au service de l’histoire.”

L’écriture a cependant des avantages sur le cinéma : “elle vous donne une liberté extraordinaire, vous pouvez tout imaginer, il faut en profiter. Les chemins d’écriture sont sans aucune barrière. Je peux écrire que 5000 cavaliers traversent la place de la Concorde, cela ne coûte rien alors qu’au cinéma, cela coûte un bras…” Ce qui explique que sa façon d’écrire n’a pas évolué en fonction des adaptations à l’écran.
“On fait un film pour raconter une histoire avec justesse et sincérité, souligne-t-il. Faire une adaptation, ce n’est pas une question d’opportunisme. On ne peut pas se dire : je vais adapter un livre qui a marché donc cela fera un film qui va marcher. Une adaptation fidèle, c’est une série ou un film où on rencontre les mêmes personnages que ceux que l’on avait rencontrés dans le roman”, insiste Marc Levy.

Costa-Gavras à la barre de la trilogie

Les lecteurs seront sûrement très attentifs au prochain projet de série auquel son nom est associé. Sa trilogie des 9 est en effet en cours d’adaptation par Costa-Gavras, ce sera la toute première série du cinéaste de 89 ans. “C’est une rencontre artistique et humaine absolument magique, reconnaît Marc Levy. Parce que son cinéma a vraiment changé le cours de ma vie. C’est d’autant plus fabuleux que j’ai appris qu’Amos Gitaï tournerait les scènes qui se déroulent en Israël.”

Marc Levy est impliqué “dans la phase d’écriture pour répondre aux questions de Costa Gavras. Il espère tourner au début de 2023 et je me rendrai sur le tournage pour le bonheur de voir les scènes se tourner et pour être là chaque fois qu’il aura besoin de moi.”
Chaque tome sera adapté en une saison de cinq ou six épisodes. Ce qui offre une certaine ampleur à cette adaptation “qui se veut très fidèle”, nous assure Marc Levy.

Entretien: Karin Tshidimba, à Monte-Carlo

>> Marc Levy, Noa, Editions Robert Laffont, 375 pp., 21,90 €