Une Bruxelles multiculturelle en proie à ses démons et à ses injonctions contraires, où chacun tente de tracer sa voie loin du chaos ordinaire. De la photogénie de la ville au combat des femmes pour leurs droits, en passant par un trio de créatrices et une prose de combat, voici les quatre atouts principaux de Pandore***, nouvelle série RTBF à découvrir dimanche.
Des pavés luisant la nuit sous la pluie au péristyle du Palais de justice bruxellois, hanté par des personnages sortis de l’Olympe ou rescapés d’univers kafkaïen, Pandore salue le cœur de la capitale belge. Qu’il batte au sommet de ses ruelles, au milieu de la marée de ses embouteillages dantesques, en plein marasme de ses chantiers sans fin ou à l’horizon de sa nuit, constellée des milliers de points minuscules de son éclairage public. Si la série s’extrait parfois de la foule pour errer dans sa périphérie boisée, elle revient toujours arpenter le bitume bruxellois et les espaces désaffectés où son nom s’écrit le plus souvent en majuscules.
Aussi urbaine qu’Unité 42, moins torturée que La Trêve ou Ennemi Public, plus ancrée dans le réel qu’Invisible, Pandore est aussi la première des séries belges à aborder frontalement la question politique et les enjeux de société du nouveau millénaire. On y suit une juge d’instruction œuvrant dans une Bruxelles vraiment multiculturelle où, au hasard des scènes, se croisent harmonieusement le français et le néerlandais et où fusent même quelques mots d’arabe. Des citoyens ordinaires, à la fois charismatiques et déterminés, mais aussi fragiles, y révèlent la véritable nature de la capitale européenne.
Un trio de mousquetaires: Anne, Savina, Vania
Écrite à six mains (sur le clavier), la série Pandore a été endossée par Anne Coesens, pour le rôle principal de la juge d’instruction Claire Delval, et réalisée par ses deux comparses, Savina Dellicour et Vania Leturcq.
« Chacune était responsable de la narration de ses propres épisodes. J’ai dirigé les épisodes 4 à 7, à la trame dramatique plus intime, et Savina a réalisé les trois premiers et les trois derniers. Des épisodes davantage tournés vers l’action, avec un grand nombre d’acteurs en plateau. L’idée était de se faire plaisir dans la réalisation aussi », précise Vania Leturcq.
« Cela nous permettait de gérer chacune des pans de l’histoire différents dès l’écriture. De donner une richesse de points de vue, d’ouvrir l’éventail des styles en termes de réalisation car on n’est pas des frères qui ont l’habitude de toujours travailler ensemble », enchaîne Savina Dellicour.
« Mais toutes les décisions artistiques générales – casting, décors, costumes, lumière, mise en scène – ont été prises à trois, en amont, pour assurer l’homogénéité de la série jusqu’au montage. La série reste un sport d’équipe. Trois personnes dans la pièce, c’est trois fois plus intéressant. On était spectatrices les unes des autres », souligne Vania Leturcq. Une expérience qu’elles seraient toutes les trois ravies de prolonger.
Un trio de justicières: Claire, Ludivine, Sasha
La justesse et l’empathie d’Anne Coesens, juge d’instruction prévenante et décidée, forment le socle sur lequel s’appuie Pandore*** pour creuser le paysage politique et judiciaire belge. L’histoire est née de l’adaptation du roman d’Ian McKellen, L’intérêt de l’enfant, dont les autrices aimaient « le personnage jusqu’au-boutiste, cherchant ce qui est le plus juste au risque de faire des erreurs ». Dans la série, la suite est différente. Y apparaissent deux jeunes femmes très engagées : l’activiste Ludivine (Salomé Richard) et la journaliste Sasha (Melissa Diarra).
« On avait repéré Salomé Richard dans les films de Rachel Lang, notamment Baden Baden. C’est une comédienne avec laquelle on avait envie de travailler. On a assez vite pensé à elle quand on écrivait le personnage de Ludivine. » D’autant que l’actrice est très engagée sur les questions de parité et de féminisme dans le cinéma.
« On avait vu Mélissa dans un court métrage de fin d’études de l’IAD où elle tournait avec Félix Vannoorenberghe (qui joue Steve dans la série Pandore, NdlR). Ils étaient tous les deux super bons, on a noté leurs noms pour qu’ils viennent faire des essais. » La qualité des seconds rôles – Myriem Akheddiou, Vincent Lecuyer, Noureddine Farahi, Anas El Marcouchi – donne toute sa saveur à ce récit qui fait la part belle aux profils anguleux et diversifiés.
Avec Blu Samu, une prose de combat
Pandore propose un générique mouvant, mariant rap et surimpressions en couleurs sur des images en noir et blanc avec, à chaque fois, une phrase finale différente « qui résonne avec l’épisode à venir ». Un travail pour lequel Anne Coesens s’est plongée dans les archives de la Sonuma avec l’assistante-monteuse. « On n’avait pas nécessairement le budget pour créer un générique entièrement. On a cherché des images qui résonnaient avec la série : on pouvait y apercevoir Claire, petite, Ludivine avec sa cape. Cela permet de voir que cette lutte pour les droits des femmes, qui dure depuis des années, est toujours présente car des droits qui semblaient acquis sont sans cesse remis en question. »
Savina Dellicour s’est emparée de la recherche musicale. « On voulait trouver une jeune rappeuse pour exprimer ce sentiment de colère, d’énergie et de rébellion. » Contact est pris avec la Belge Blu Samu, repérée à un concert, « mais aucune de ses chansons ne collait vraiment à la série et aux images d’archives. On lui a demandé de créer un rap original. » Avec pour inspiration un morceau de la Britannique Little Simz « qui avait le profil recherché, mais en y glissant un flow porteur de sa révolte personnelle ». Le compositeur Sam Tiba a ensuite construit le thème musical en une semaine. « C’était assez chouette et excitant d’autant plus que les gens nous demandent aujourd’hui où ils peuvent trouver le morceau. »
Rencontres: Karin Tshidimba
Commentaires récents