ainsi soient-ils2.jpgAujourd’hui, on change de crèmerie: cap sur Paris.
La Ville Lumière est en effet le cadre de la nouvelle série d’Arte qui a réalisé LE buzz de la rentrée française. Elle est en effet parvenue à battre Canal à son propre jeu: celui de la campagne de pub gentiment provoc (cf. note précédente).
Avec ses affiches refusées par la RATP, Ainsi soient-ils** s’est en effet déjà assuré une certaine notoriété. Ajoutez à cela, le prix de «Meilleure série française 2012» attribué par un jury international lors du Festival Séries Mania en avril dernier et vous serez forcés de reconnaître que pour une série traitant du destin de cinq futurs prêtres, c’est un coup de maître !

En ces temps de susceptibilité exacerbée à l’égard des religions et de scandales à répétition, le thème est en effet éminemment risqué. Pourtant il n’a pas fait reculer une bande de trentenaires ambitieux emmenée par Bruno Nahon. Le résultat est à découvrir jeudi prochain à 20h50 sur Arte et ne s’adresse ni aux «grenouilles de bénitier» ni aux « bouffeurs de curé ». A quelques clichés près (le Cardinal et ses ors, campé par Michel Duchaussoy dans son dernier rôle), «Ainsi soient-ils» est en effet une série plutôt équilibrée et pas du tout austère.
En revanche, ni parfum de scandale, ni odeur de soufre façon «Borgia», on ne le dira jamais assez: les campagnes de pub sont souvent mensongères…

Enfin, pas tout à fait. La troisième affiche qui présente un prêtre aux mains tatouées est en effet une référence explicite au personnage de José (Samuel Jouy), ex-meurtrier récemment sorti de prison, cinquième et ultime candidat séminariste de cette rentrée chez les Capucins. L’un des plus intéressants personnages proposés par la série.
Figure archétypale – à l’instar des quatre autres – il est celui dont l’engagement est le plus interpellant. A ses côtés, on retrouve des candidats plus «classiques»: Yann, jeune «Pinson» venu de sa Bretagne natale; Raphaël, le riche héritier qui fuit les requins de la finance; Emmanuel, brillant étudiant en archéologie, venu soigner (?) sa dépression au Séminaire et enfin, Guillaume, un gars plutôt solide, naviguant à vue entre une mère irresponsable et une soeur adolescente.

«Tant qu’à choisir un métier impossible autant être intimement persuadé que c’est cette vie-là qui vous fera grandir et qu’il n’en est pas de meilleur pour vous épanouir» les prévient d’emblée le père Fromenger. C’est ce «choix radical» qui est traité au fil des huit épisodes: tiendra-t-il le choc de la confrontation avec le monde ? «Est-ce que nous allons disparaître ?» s’interroge encore le père Fromenger, alors que chaque rentrée amène de moins en moins de séminaristes dans ce lieu de calme et de paix situé en plein coeur de Paris. «Pas un seul n’a l’énergie, l’élan qui nous frappe au coeur et au ventre» regrette-t-il de prime abord, espérant être détrompé au fil des semaines. C’est sur ce plan qu' »Ainsi soient-ils » réussit le mieux son pari: en proposant de riches personnages et une belle humanité, sans oublier la réalité rugueuse contre laquelle beaucoup viennent se cogner.

Guerre des ego, orgueil et préjugés, intrigues à Rome et inquiétudes à Paris, engagement quotidien face aux sans-abri, etc. La série s’attache à décrire leur quotidien mais aussi ce qui peut se cacher derrière certains choix. Neuf hommes (jeunes et vieux) face à l’ambition, au pouvoir, au désir, à la maladie, à l’argent, à la tentation, mais aussi aux belles paroles et aux pieux sermons. Confrontés au désintérêt de leurs contemporains, à la vie en vase clos, comment réagiront-ils? On le voit, beaucoup de thèmes sont abordés, mais pas toujours avec la profondeur souhaitée. On n’évite pas toujours les effets de manche (ou de soutanes) ni même certains clichés, mais reste un univers relativement inexploré qui, forcément, intrigue. Et une série qui prend son temps, avec des vrais extraits d’Ecritures saintes dedans, c’est suffisamment culotté pour être souligné !

Un bémol, tout de même: à part Jean-Luc Bideau qui incarne le père Fromenger avec beaucoup de grâce et de profondeur, et Julien Bouanich qui campe le jeune Yann, on regrettera que la question du «pourquoi ils sont là» soit trop peu abordée. On aurait aimé que le passé des séminaristes soit davantage creusé et qu’au lieu d’entendre parler de l’appel auxquels ils ont répondu, on puisse voir ce qui les a amenés là. Mais ces questions seront peut-être abordées dans la deuxième saison déjà en cours d’écriture.
KT

Ainsi soient-ils. Drame de David Elkaïm, Bruno Nahon, Vincent Poymiro et Rodolphe Tissot. Avec Jean-Luc Bideau, Michel Duchaussoy, David Baïot, Samuel Jouy, Julien Bouanich, Clément Manuel et Clément Roussier. Diffuseur: Arte. 8 épisodes + 8 en écriture. Début: 11 octobre 2012.