Tournée pendant deux mois entre Bruxelles et Strasbourg, la série sera diffusée au printemps sur France.tv et Be TV. Nous sommes partis en repérage en fin de tournage.

Le Brexit a failli lui coûter la vie. Développée en 2014, avec Canal +, la série Parlement est abandonnée en 2016 suite à l’annonce du Brexit. Le sujet européen semble alors moins enthousiasmant et populaire que jamais au diffuseur. Pourtant la productrice Fabienne Servan-Schreiber, rejointe par Thomas Saignes, décide de ne pas lâcher l’affaire. Cette histoire retraçant le quotidien de cinq jeunes assistants de différentes nationalités travaillant au sein du Parlement européen, elle y pense depuis trop longtemps pour y renoncer maintenant. D’autant que la crise du Brexit lui offre une nouvelle caisse de résonance. « Le Brexit est un matériau à comédie quasiment inépuisable, affirme Thomas Saignes. On a rencontré Sened Dhab, directeur de la Fiction numérique chez France Télévisions, qui a trouvé le projet excellent et a décidé de le produire. »

« Il y a un côté château de Kafka »

À la base du projet, on trouve un autre passionné : Noé Debré. Il a grandi à Strasbourg, à l’ombre du Parlement européen et a toujours eu l’intuition qu’il s’y passait « des choses étonnantes, le tout dans une vingtaine de langues. Il y a un côté château de Kafka. On peut se perdre dans le Parlement qui est très vaste et dans lequel plus de 700 députés déambulent. C’est une matière phénoménale », confiait-il lors du rendez-vous Série Series à Fontainebleau, en juillet dernier.

Produite par Thomas Saignes et Fabienne Servan-Schreiber pour Cinétévé, la série de Noé Debré est réalisée notamment par Jérémie Sein (à droite) avec Xavier Lacaille (à gauche) et Philippe Duquesne (au centre).

Quatre auteurs et un enterrement (le Brexit, allégorie)

Remarqué pour les scénarios des films Dheepan de Jacques Audiard ou Le Monde est à toi de Romain Gavras, Noé Debré se lance dans l’aventure. Son ambition : écrire une série politique sous l’angle de la comédie. Soit dix épisodes de 30 minutes.
Pour le ton, le scénariste ne cache pas qu’il s’est inspiré de la série The Thick of it d’Armando Ianucci se déroulant dans le cadre du ministère des Affaires sociales. Ianucci a également écrit le film In the Loop, dérivé de la série, et Veep, satire délirante de la vie politique américaine.

« Parlement est une satire, mais la série n’est pas sarcastique, précise Thomas Saignes. On est là pour rire, pas pour faire de l’Euro bashing. On pousse les curseurs : les lâches sont très lâches et les manipulateurs très manipulateurs. Mais on ne va pas aussi loin que la série Veep dans l’acidité. C’est un rire inclusif pour mener le public à l’intérieur de ce lieu dont même des gens très cultivés ne savent pas grand chose. »

La salle des auteurs, aussi, arbore des couleurs européennes. « On voulait un auteur anglais parce que c’est ceux qui ont la plus grande maîtrise de la comédie en 26 minutes, poursuit Thomas Saignes. Et puis on a rencontré deux jeunes auteurs franco-belges du blog Les Grecques – le « collectif de bas-fonctionnaires européens » -, ils faisaient la gazette des institutions européennes après l’annonce du Brexit ; on a aimé leur plume. Maxime Calligaro a d’ailleurs coécrit « Les Compromis », un polar en forme de safari au sein des institutions européennes. C’était une évidence de les rencontrer et de faire cela avec eux. Au début, ils étaient consultants mais ils étaient tellement talentueux qu’ils ont intégré la writers room. »

« Cela touche 500 millions d’Européens et tout le monde s’en fout »

« Parlement est une série sur l’engagement et sur la jeunesse , poursuit Thomas Saignes . On suit ces jeunes Européens qui sont les petites mains de l’Europe. Le pouvoir politique contemporain passe son temps à se débattre pour conserver l’idée qu’il a un impact et du pouvoir sur la vie des gens, à grands coups de communiqués. Alors que ce pouvoir est très réduit. À l’inverse, les élus européens ont un impact colossal sur la vie de 500 millions d’Européens et tout le monde s’en fout… Personne ne sait ce qu’ils font au quotidien ! Pourtant quand vous arrivez en session, vous voyez une ruche de jeunes gens, malins, multilingues, travailleurs et passionnés, avec un sens du devoir et de l’engagement bien plus élevé que ce qu’en pensent la plupart des Européens ! Notre héros arrive au moment dramatique du Brexit, il veut gérer un rapport dont il n’aurait jamais dû se saisir, il va se dédier à cette cause… »

Entretien: Karin Tshidimba