NYPD Blue à l’heure des adieux

NYPD Blue.jpgLe 262e et dernier épisode de la série policière américaine NYPD Blue a été diffusé le 1er mars 2005 sur le réseau ABC dans la même case horaire que le tout premier épisode, 12 ans plus tôt.
Une rarissime stabilité qui récompense la fidélité de son auditoire (16 millions de téléspectateurs au rendez-vous ce soir-là), autant que les 10 Emmy obtenus (sur 80 nominations) par l’équipe de Steven Bochco.

Respectable et respectée bien au-delà de l’Atlantique, NYPD Blue fut d’abord la série qui brisait toutes les conventions. Alcoolisme, violence, racisme, homophobie: aucun maux ne semblait étranger à ses acteurs principaux, dont le détective Andy Sipowicz (Dennis Franz), fils d’émigrants polonais, vétéran tourmenté par ses souvenirs du Vietnam, homme peu « aimabe » au premier abord. Devant l’audace de certains scénarios, quelques chaînes américaines sont allées jusqu’à refuser sa diffusion. Mais grâce à la résistance de leurs fans, les «hommes en bleu» du 15e district ont continué à «tracer leur route» et à donner vie à un pilier de la télévision US: la série sociétale, souvent imitée, rarement égalée, qui donnera des ailes à quelques autres à sa suite: The Wire, Boston Legal.

Steven Bochco en reste d’ailleurs persuadé: «La série que nous avions proposée au début des années 90 serait refusée aujourd’hui…» sur une chaîne comme ABC. Car si on constate les avancées du réalisme dans les séries télévisées, c’est plus souvent le fait de chaînes du câble (HBO, etc.) que des grands réseaux. Nullement découragé par les diktats conservateurs, Steven Bochco a ensuite présidé à la destinée d’Over There, série qui suit un groupe de «guys» déployés en Irak sans toutefois délaisser le terrain policier – qu’il arpente depuis l’époque d’Hill street Blue (1981) – en proposant Blind justice (2005) mettant en scène un policier devenu aveugle dans l’exercice de ses fonctions. Mais cette nouvelle série ne dura qu’une saison.


Impressionnante cohérence et fidélité au réel

À l’heure d’aborder cette douzième et ultime saison de NYPD Blue, le téléspectateur n’a à redouter aucune déception. «Ni coup de théâtre, ni retrouvailles pleurnichardes, ni tragédie de dernière minute» avait promis Steven Bochco lors de la conférence de presse d’adieu. Juste l’intranquille quotidien de Sipowicz et ses collègues de la 15e brigade de Manhattan. «Au poste 15, la vie continuera. Nous ne serons plus là pour en témoigner, c’est tout», résumait Bochco en conférence de presse.

Là où d’autres scénaristes multiplient les coups du sort et les invraisemblances pour pimenter un scénario ou pour permettre à certains acteurs de s’en extraire, Steven Bochco a maintenu la cohésion de l’ensemble depuis l’origine, prêtant une attention égale à la vie privée de ses personnages – évoluant et mûrissant au fil des mariages, naissances, décès, etc. – qu’à leurs tourments professionnels.

A propos du succès de cette série fondatrice, Martin Winckler, spécialiste français des séries, écrivait ceci: «Le «secret» de cette réussite est, au fond, tout simple. Les séries américaines de grande qualité sont toutes à l’image de la série classique Mission: Impossible : un travail d’équipe autour d’une tête pensante, mais où chaque personne et chaque geste compte (il n’y a pas de petit rôle, pas de petite fonction) pour obtenir un résultat aussi proche que possible de la perfection, en accord avec le scénario/le complot tel qu’il a été rédigé.»

Steven Bochco 2.jpgMalgré les années, la criminalité n’a pas baissé dans les rues de New-York, en témoignent les affaires traitées en tout début de cette dernière saison: meurtre, viol, etc. Un quotidien qui ne veut ni minimiser ni enjoliver les choses, mais simplement se montrer proche du réel sans coup de force et sans invraisemblance. Ni cellule antiterroriste, ni brigade d’assaut, juste le quotidien d’hommes et de femmes terriblement humains… jusqu’à la fin.


Apprenant le décès de Steven Bochco, le PDG de Disney, Robert Iger, a tweeté ce matin: « Aujourd’hui, notre industrie a perdu un visionnaire, une force créative, un preneur de risques, un raconteur d’histoires plein d’esprit, courtois et doté d’une étonnante capacité à savoir ce que le monde attendait. Nous étions collègues de longue date et amis de plus longue date encore, et je suis profondément attristé ».