Outre La Trêve (meilleure série francophone, diffusée à la rentrée sur France 2, la TSR et la VRT) et Ennemi public (meilleure interprétation masculine pour Angelo Bison) qui démarre ce dimanche sur La Une, de nombreux polars ou univers noirs ont imposé leur regard sur le monde durant le festival Séries Mania. Comme si l’esthétique nordique avait étendu son ombre créatrice sur une bonne partie du globe.
Quelles séries sont déjà attendues sur nos écrans, quels récits aimerait-on voir s’imposer sur nos chaînes ? Après dix jours d’un marathon aussi intense qu’instructif, choisissons de « soigner le mal par le mal » en allongeant la liste de nos futures addictions. Car certaines séries programmées à Séries Mania s’inscrivent déjà sur la grille de départ.
A tout seigneur, tout honneur, commençons par la série flamande distinguée par le prix du public ex aequo dans le palmarès 2016 : Beau Séjour, série VRT signée par Kaat Beels et Nathalie Basteyns. Un polar au point de vue unique puisque c’est la morte qui impose son regard sur l’enquête ouverte afin de découvrir son meurtrier. Si vous avez des lacunes dans la langue de Vondel, Arte permettra de suivre ce drame atmosphérique en version sous-titrée. Mais il faudra patienter jusqu’en 2017.
La mini-série fantastique d’Hervé Hadmar et Marc Herpoux, Au-delà des murs sera-t-elle plus rapide au démarrage sur Arte ? On peut l’espérer. Tournée en très grande partie en Belgique et incarnée par la formidable, Veerle Baetens, elle impose une atmosphère envoûtante, une photographie inspirée et une interprétation vibrante, même si la fin paraît un peu précipitée.
On ne doute pas que la chaîne européenne pourrait aussi se montrer intéressée par NSU German History X, une mini-série coup de poing qui aborde frontalement une question dérangeante : la montée du racisme en Allemagne après la chute du Mur de Berlin et jusqu’au début des années 2000. Gratifiée du prix des blogueurs, cette série en trois volets suit le parcours de radicalisation de Beata Zschäpe, une jeune fille paumée séduite par le discours nauséeux et simpliste du groupuscule néo-nazi “Clandestinité national-socialiste” (NSU en VO). Réaliste et glaçant, ce drame s’inspire d’un personnage réel dont le procès pour meurtres avait défrayé la chronique en Allemagne.
Mêmes espoirs de diffusion face à El Marginal, le grand vainqueur de cette 7e édition de Séries Mania dont le jury international était présidé par David Chase. Cette série chorale, se déroulant dans l’univers carcéral, impose ses figures de malfrats sur fond de Cumbia.
On y suit Miguel (photo), un ex-policier infiltré au coeur de la prison San Onofre, afin de tenter de découvrir l’identité de ceux qui ont enlevé la fille du juge Lunatti. Dans cette cour des miracles où chacun tente de survivre et de se faire respecter, Sebastian Ortega, producteur et scénariste, impose un regard tragi-comique résolument original.
Venue de Tasmanie, The Kettering Incident (prix spécial du jury) laisse une impression tout aussi forte avec son drame nappé de brumes percées de lumières inquiétantes. Sujette à des pertes de conscience inexpliquées, Anna Macy (photo du haut) se réveille un beau jour en Tasmanie, île qu’elle avait quittée après la mystérieuse disparition de l’une de ses amies. Son retour ouvre des plaies toujours à vif au sein de la population, déchirée par un vif désaccord sur l’exploitation des forêts de l’île. Paysages gothiques, antagonismes, sombres secrets et enquête pour meurtre, un polar à l’atmosphère oppressante.
Sur des sujets assez proches (le traumatisme, toujours bien présent, de nombreuses années après la disparition d’un enfant), The Five et Thirteen (BBC) imposent leur propre musique et des points de vue complémentaires.
Première incursion du romancier à succès Harlan Coben dans le milieu de la série, The Five se révèle efficace et bien rodée. Mais cette mécanique (trop) huilée manque un peu d’âme pour totalement nous emporter.
Notre préférence va à Thirteen. Il serait en effet regrettable de ne pas pouvoir découvrir la suite de ce drame en 5 actes, sensible et prenant qui suit les premiers pas d’une jeune femme enlevée 13 années plus tôt. Que sait-elle de son kidnappeur, que cache son comportement paradoxal et ses mensonges ? Comment se réadapter à la vie en société, comment gérer le passage de l’adolescence à l’âge adulte et les renoncements qu’il impose ? Cette série fine et intelligente de BBC3 posent des questions viscérales.
Enfin, dépaysement garanti avec Jour polaire (Midnight sun), coproduction suédo-française portée avec talent et détermination par Leila Bekhti (photo). On reconnaît la patte des créateurs de Bron (crimes torturés et sanglants, sous-texte politique) dans cette nouvelle production qui a obtenu le prix du public ex aequo. Attendue sur Canal+ cet automne, elle ne manque pas d’arguments à commencer par la Laponie, pays du soleil de minuit, et les traditions des Samis, minorité largement déconsidérée.
Petit rappel : Dans une précédente note, nous évoquions le potentiel de Cleverman, série australienne inscrite aux frontières du réel, qui forge sa description des Velus en guise de satire des discriminations subies par la population aborigène d’Australie. Dans ce futur proche où la société aussie impose ses zones d’exclusion et ses clichés sur les sous-hommes, la sagesse ancestrale aborigène semble la seule à même de réconcilier les différentes composantes de la population. Une métaphore fantastique et sociale qui devrait intéresser les chaînes, Ryan Griffen y pointe avec force les similitudes entre la situation de ses mutants et la problématique mondiale des réfugiés.
Et pour finir, trois infos bonus :
The Five d’Harlan Coben sera montrée sur Canal+ dès ce 28 avril. Pour l’occasion, l’homme aux 60 millions de romans vendus, traduits en 43 langues, s’est transformé en scénariste. Même si l’enquête autour de cette mystérieuse réapparition (photo) est résolue au terme de la première saison, « une suite est toujours possible sous forme d’anthologie », a-t-il précisé à Paris.
Montrée dans la sélection américaine, la série Hap and Leonard avec Michael K. Williams (The Wire), James Purefoy (The Following) et Christina Hendricks (Mad Men) débute le 2 juin sur Sundance Channel.
The Night Manager, enquête dans le milieu des trafiquants d’armes, adaptée des écrits de John Le Carré par son fils, sera diffusée sur France 3. On y assiste à la confrontation au sommet entre Tom Hiddleston et Hugh Laurie (Dr House).
Bonnes découvertes,
KT
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