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lthe-big-bang-theory.jpgAprès les bons pères de famille et les femmes conquérantes, auscultés la semaine dernière (cf. L’Amérique dans le miroir des séries), le documentaire L’Amérique en prime time*** se penche ce samedi à 22h35 sur Arte, sur les personnages «hors normes», les cas désespéré… Les excessifs, les nerds, les geeks, les inadaptés sociaux: une joyeuse faune à laquelle la télévision a toujours réservé un accueil particulier. En témoigne le succès d’une série comme The Big Bang Theory, par exemple… Car, en plus d’être touchants et/ou hilarants, ils expriment souvent tout haut ce que tout le monde pense tout bas… «Ils s’acceptent, ils assument leur différence du coup, on les adore» résume un des scénaristes interrogés.

Dans le genre, la série «Twin Peaks» de David Lynch a évidemment posé un jalon majeur en 1990. 
« Twin Peaks reste une référence absolue pour les scénaristes, les gens en parlent tout le temps, aujourd’hui encore » souligne Diablo Cody, auteure d’une jolie bombe conceptuelle lancée en 2009 «United states of Tara».

«Twin Peaks prenait aux tripes, on ne ressentait pas de la tristesse ou de la joie, on éprouvait un terreur viscérale et étrange. Les scènes de rêve sont incroyables, on dirait de vrais cauchemars. Je m’incline, aucune des scènes de rêve des Soprano n’est de ce niveau-là» confie David Chase, auteur des Soprano. «Les producteurs pensaient que, jamais, le public n’accepterait un tel surréalisme en prime time à la télévision, mais le public a adoré» se souvient David Lynch.

nurse_jackie-zoey.jpgUn univers surréaliste également exploité, en 2003, dans une série comme «La Caravane de l’étrange» («Carnivale») de Daniel Knauf. En fait, «Twin Peaks» semble avoir ouvert une brèche dans laquelle l’univers des séries s’est engouffré. Désormais, pas une série qui n’ait son personnage de nerd, de geek ou de loser pour pimenter l’action ou lui donner un autre relief. Car que serait Jack Bauer (24h) sans Chloe O’Brian, Nurse Jackie sans Zoey Barkow (photo) ou le «NCIS» de Gibbs sans Abby Sciuto?

Un filon également exploité par un créateur comme Alan Ball qui se dit «très proche de cette réalité.» «Je ne m’intéresse pas aux personnages qui ne sont pas des marginaux. Pour différentes raisons, j’ai grandi avec une perspective de marginal. Et elle ne m’a pas quitté. Les autres personnages, je les trouve plutôt ennuyeux.» Une réflexion qui l’a guidé au moment de la création de “Six feet under”, bien sûr, mais aussi de l’actuelle “True blood”.

De tout temps, les intellos, les coincés et les perdants ont existé. Insultés, conspués ou tenus à l’écart, ils tiennent aujourd’hui leur revanche. De personnages secondaires, gentils faire-valoir donnant tout son sel à certaines séries, ils sont devenus les héros de leurs propres aventures. On ne compte plus les intrigues pariant sur ces personnalités déjantées ou franchement à l’ouest.

« Sherlock » , « Lie to me », « Mentalist », « Dr House », « Touch », « Perception »: autant d’exemples de «cerveaux» au fonctionnement paradoxal sur lequel se fonde le succès de différentes séries. Dotés d’une intelligence particulière, ils fascinent car, tout en étant très différents de nous, ils se cognent aux mêmes obstacles, aux mêmes manques.
Et ce qui est vrai pour les intellos, l’est aussi pour des losers comme “Chuck” ou « Earl”. Et que dire du succès de « The Big Bang Theory » (cf. photo du haut) – qui présente un conglomérat de nerds, de freaks et de geeks – et est actuellement dans le Top 5 des séries les plus suivies de la télévision américaine…

tara.jpgLa difficulté d’être à la marge, voilà une dimension parfaitement intégrée par la série ado et musicale «Glee» même si, en définitive, elle réserve nettement moins de place aux paroles et à la réflexion qu’à la musique. Enfin, à côté de ces dingues qui s’ignorent, on découvre avec « Enlightened » et « United states of Tara » (photo), une nouvelle catégorie: les malades qui se soignent.


Même la télévision française s’y est mise avec des séries comme «Profilage» sur TF1 (!) – que serait-elle en effet sans le personnage de Chloé Saint-Laurent, si non une série policière de plus ? – ou «Fais pas ci, fais pas ça» où la notion de loser s’avère en fait fluctuante, mais bien exploitée, en alternance, par les deux pères des familles Bouley et Lepic.

Et ce qui est vrai pour les ratés, l’est aussi pour les «nouveaux Héros» dont l’évocation, dans l’épisode 4, vient clore cette enrichissante exploration documentaire qui donne envie de plonger dans d’autres séries et de prolonger une liste forcément incomplète…
Karin Tshidimba

NB: Un documentaire qu’il est possible de revoir grâce à l’option arte+7 sur le site de la chaîne