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the night manager 6.jpgAffichant quatre nominations aux Golden Globes – la nouvelle est tombée ce lundi -, la série The Night Manager prouve une fois encore à quel point la qualité britannique parvient à tirer son épingle du jeu international.
Déclinée en six épisodes, cette mini-série a fait l’ouverture du festival Are You Series ? à Bozar, mercredi dernier. Evénement pour lequel Simon Cornwell, fils de John Le Carré, l’auteur du roman originel, avait fait le déplacement à Bruxelles. Fils d’écrivain, Simon Cornwell est aussi le producteur de la série développée avec succès par AMC et la BBC.

Dans la famille Le Carré, lorsqu’il s’agit d’adapter un livre pour le grand ou le petit écran, on peut désormais faire appel tant au père – de son vrai nom David Cornwell – qu’à ses deux fils, Simon et Stephen. Rencontre avec le producteur du magnétique « Night Manager » entre deux trajets à grande vitesse. Et retour sur la genèse d’une aventure familiale…

the night manager 3.jpg« Mon frère Stephen était un scénariste assez reconnu sur la côte Ouest (des Etats-Unis, NdlR) et moi, je vivais à Londres. En 2010, nous avons décidé de lancer notre compagnie. Nous en parlions depuis presque 30 ans et à un moment, nous nous sommes dit qu’il fallait soit arrêter d’en parler, soit le faire immédiatement. Au départ, nous produisions des adaptations qui ne concernaient pas le travail de mon père. A un moment, il a entendu parler de ce que nous faisions ; un de ses projets avait besoin d’un nouveau producteur et il nous l’a proposé. C’est devenu notre premier film : « A Most Wanted Man » avec Philip Seymour Hoffman. »

« Nous sommes habitués à la façon dont les écrivains réfléchissent »

Ensuite, un nouveau livre est arrivé qu’ils ont également adapté. « Quelques années plus tard, on a constaté que cela fonctionnait assez bien et on est devenu officiellement les producteurs de Le Carré. » Ce business devenu « familial » n’empêche pourtant pas de développer d’autres projets.

the night manager simon cornwell.jpg« Récemment, nous avons produit un film d’Ang Lee et nous avons aussi différents projets avec quelques autres familles de grands auteurs. Nous développons donc aussi notre business avec d’autres familles. Pas uniquement dans le domaine du roman d’espionnage. Nous sommes habitués depuis l’enfance à la façon dont les écrivains réfléchissent et agissent. Cela a un rapport direct avec cet âge d’or de la télévision où tout commence et tout finit autour d’une bonne histoire. Et puis, nous avons beaucoup de respect pour les romans, ce qui n’est pas toujours le cas dans l’industrie du cinéma… » précise Simon Cornwell (à gauche sur la photo; à droite, son frère Stephen, tous les deux entourent Stephen Garrett).

Le roman The Night Manager a connu un long parcours avant d’arriver à l’écran. Publié en 1993, le livre est acheté immédiatement par la Paramount et confié à Sydney Pollack. Mais le projet de film n’a jamais abouti. « Le script s’est donc mis à prendre la poussière et nous en parlions souvent parce que c’est vraiment un sujet cinématographique, avec tous ces voyages et ces rebondissements. En 2005, Brad Pitt a pris une option sur le livre, il voulait jouer le rôle que Tom Hiddleston a endossé. Mais le projet n’est pas non plus parvenu à son terme. Nous nous sommes alors dit que l’une des raisons pour lesquelles cela ne fonctionnait pas, c’est le fait qu’il s’agit d’un livre de 600 pages qui ne peut être résumé en un film de deux heures. »

« Brad Pitt voulait l’adapter au cinéma »

the night manager 5.jpgPendant ce temps, le monde de la télévision s’est transformé – « plus de moyens, des exigences créatives élevées, des budgets plus importants, de plus grands écrans… » énumère Simon Cornwel -, donnant naissance à un nouvel âge d’or des séries.

« En 2013, on s’est dit que la solution était sans doute à trouver en télévision. Les gens nous disaient que cela ne fonctionnerait pas, que nous allions perdre beaucoup d’argent, que nous devions faire cela en plusieurs saisons. Mais heureusement, la BBC s’est investie dans le projet, puis AMC, et l’équation s’est mise à fonctionner. Nous avions toujours imaginé un projet ambitieux mais c’est à ce moment-là que notre projet en six heures est devenu réel. »

Tournage en Suisse, à Londres, dans le Devon, à Marrakech, Casablanca et Majorque. The Night Manager a été un « investissement de longue haleine avec des budgets conséquents. Cinq mois de tournage, cela représente une somme de travail impressionnante pour le réalisateur et les acteurs. Nous avons travaillé très dur et avons vécu un processus intellectuellement, émotionnellement et physiquement épuisant, mais c’était vraiment excitant. »

« C’est une expérience bien plus riche de raconter une histoire en six heures, poursuit Simon Cornwell. Susanne (Bier, NdlR) n’avait jamais dirigé un projet de cet ampleur et n’était d’ailleurs pas sûre au départ de vouloir le faire. Mais elle aime raconter les histoires à travers les relations humaines et la série permet de développer cet aspect des choses. La façon dont elle a dirigé les acteurs est fabuleuse, surtout dans le jeu des tensions et d’attractions entre les différents personnages (Roper, Pine, Jed et Corky). Donc oui, pour tout le monde c’était une sorte d’accomplissement créatif. »

the night manager 7.jpgReste à savoir ce qu’ont vécu les deux fils en travaillant « au service » de leur père sur une série mettant en scène une relation père-fils plutôt compliquée.
Simon Cornwell sourit… « Dans tous les livres de mon père, il y a des relations tendues et compliquées entre des pères et des fils. Lui-même a toujours eu des relations très compliquées avec son propre père, un être flamboyant, charismatique mais aussi exigeant et difficile – des relations dont ses livres gardent la trace. De notre côté, nous avons toujours eu des relations très aisées avec notre père. »

« Hugh Laurie était prêt à jouer n’importe quoi dans la série »

John Le Carré vient parfois sur le plateau de tournage, précise Simon Cornwell, « mais il ne veut surtout pas distraire l’équipe, et puis il continue à travailler… Il a fêté son 85e anniversaire et vient de rendre le manuscrit de son prochain roman qui sera publié en septembre. Et il planifie déjà le suivant. Il a fait un petit caméo dans l’épisode 4 (photo), comme il le fait dans tous ses films depuis quelques années. Il a aimé le résultat même si cela bouscule les images qu’il avait de son propre livre. Mais comme cela fait 50 ans qu’il travaille sur les adaptations de ses romans avec divers réalisateurs, il s’y est habitué. »

the night manager john le carré.pngProche de Pollack et Kubrick, John Le Carré a aussi développé « des relations très fortes avec Philippe Seymour Hoffman ou Hugh Laurie qui a d’ailleurs joué du piano à son anniversaire. Hugh Laurie avait aussi tenté d’acheter les droits du livre il ya quelques années. Quand on s’est rencontré, il nous a dit qu’il était prêt à jouer n’importe quoi, y compris à assurer le catering de la série » (rire).

Le prochain projet de série de la « maison » Le Carré est déjà connu, il s’agit de « L’Espion qui venait du froid », le roman le plus connu de Le Carré.
« Le scénario sera signé par Simon Beaufoy. C’est un sacré défi car la première adaptation en cinéma était très belle. La décision devrait tomber en janvier ou en février prochain », confie Simon Cornwell.

Entretien: Karin Tshidimba

nb: la critique et le trailer de la série The Night manager étaient déjà disponibles ici.