On n’avait plus vu pareil engouement en Belgique depuis… très longtemps. Bien sûr, il y eut des précédents, des séries comme A tort ou à raison ou Melting Pot café qui avaient leurs fans, mais il ne s’agissait pas toujours de séries 100 % belges et la ferveur n’était pas la même.
La force de La Trêve est d’avoir réussi à ramener vers la télévision un public qui l’avait délaissée et qui pensait encore que les séries francophones évoluaient forcément entre “Julie Lescaut” et “Joséphine Ange gardien”.
La Trêve a permis de remettre quelques pendules à l’heure et de rappeler que la série est un art majeur dans lequel toutes les grandes nations européennes – ne parlons même pas des Etats-Unis – s’illustrent aujourd’hui. Et où nos plus proches voisins (flamands) puisent chaque année leurs meilleures audiences.
L’épilogue de la série est attendu ce dimanche dès 20h50 sur La Une.
En battant trois dimanche d’affilée RTL-TVI en prime time, la RTBF et la Fédération Wallonie Bruxelles, producteurs et initiateurs du fameux Fonds des séries belges, ont prouvé qu’elles avaient raison d’y croire. Outre ces excellentes audiences, d’autres indicateurs ne trompent pas.
Régulièrement, en tête des sujets les plus discutés sur les réseaux sociaux le dimanche soir, la série a été projetée lors des “series day” du Festival de Berlin et devrait l’être prochainement en France. Divers acheteurs français et étrangers se sont manifestés et les discussions sont en cours. Quant au cinéma Aventure, sa séance du dimanche soir (en présence de l’équipe) est littéralement prise d’assaut. S’ils ne sont pas encore connus avec précision, les chiffres du replay et de la VoD s’envolent (entre 6 et 10 000 vues pour chaque épisode) alors même que Proximus avait déjà permis à ses abonnés de découvrir la série en janvier.
C’est le budget qui coince
Face à autant d’indicateurs au vert, on peut s’étonner de ne pas encore entendre parler d’un projet de saison 2. Mais depuis le début, un élément récurrent coince : le budget. Heureuse mais fourbue, l’équipe ne fait pas mystère de son refus de retourner “au charbon” dans les mêmes conditions.
“Si on leur demandait, l’équipe reviendrait sûrement, c’est ça le drame, explique Matthieu Donck, coauteur et réalisateur (photo). On doit être ceux qui disent ‘non’ car même si on est hyper contents de ce qu’on a fait, c’est un challenge de tarés et à un moment, il ne faut pas que cela devienne les standards de production parce qu’on ne peut pas vivre comme cela, ce n’est pas possible. Il faut que l’on décide de financer cela autant qu’un divertissement ou que le reste de la grille. Qu’on sache que 50 personnes sur un plateau, c’est cinquante salaires et que ça coûte cher. Les portes s’ouvrent les unes après les autres mais il faut que la RTBF, elle-même, mette plus d’argent dans l’affaire. Quitte à ne faire que deux séries par an, au lieu d’en faire 4. Parce qu’avec ce type de réflexion, on peut en faire 30, on trouvera toujours quelqu’un qui sera partant.”
“A long terme, ce n’est pas viable et puis, ce ne serait pas correct ou respectueux pour tous ceux qui ont accepté de nous suivre dans cette aventure. On leur a promis les yeux dans les yeux qu’on ne resignerait pas dans ces conditions-là” renchérit son coauteur Stéphane Bergmans.
“L’idée de la RTBF, c’est de pouvoir attirer des gens comme Fabrice Du Welz ou Bouli Lanners, des créateurs qui sont porteurs d’un vaste univers, qui ont déjà fait des films. Mais avec les budgets définis, les gens sont forcément frileux. Cela lancerait la machine car si on ne prend que des gens qui sortent de l’école – et Dieu sait s’ils sont doués – on joue au vogelpick : il y aura une série réussie sur dix. Si on veut forger une industrie et former des gens, il faut faire ce pari. Bien sûr, on trouve cela super qu’ils financent l’écriture et qu’ils poussent des jeunes à se lancer. Une partie de l’idée de base est très bonne, car c’est comme cela qu’on lance une économie. On est donc très reconnaissants, mais sur le long terme, ce n’est pas tenable. Dans notre cas, l’énergie de la première fois ne sera plus là.”
De son côté, même si elle a été ravie de voir Proximus investir dans La Trêve et permettre à l’équipe de réaliser un montage de qualité avec 5 monteurs au lieu de deux pour les 10 épisodes au total, la RTBF ne veut pas risquer de perdre la main sur son projet.
Elle se souvient en effet amèrement de la mésaventure de son partenariat avec France 3 sur A tort ou à raison. Une fois la chaîne française moins empressée, la RTBF n’avait plus été en mesure d’assumer seule le budget de sa création originale…
A titre de comparaison
Si certaines séries américaines s’apparentent à des superproductions avec des budgets à 6 millions d’euros par épisode (Game of Thrones), un budget classique de série française ou danoise tourne autour du million d’euros. Certains soaps (peu de personnages, décors intérieurs limités) ne dépassent pas les 250 000 €. Exemple ? Plus belle la vie, le feuilleton quotidien industrialisé de France 3.
Pour le même budget, La Trêve nous entraîne bien plus haut, bien plus loin, même si cette sombre réalité n’a pas l’apparence d’un doux rêve…
KT
Il y a une erreur je pense.
Le nom d un des réalistes est Fabrice duwelz et non pas Duelz.
Un nom à retenir par ailleurs car il est le réalisateur de l excellent film « Alléluia »
ouhla, en effet, grosse fatigue…
c’est corrigé, merci
Merci pour cet article qui porte haut la voix des créateurs de cette série. Les artistes ont prouvé que talent il y avait (et pas un peu), il suffit maintenant de souffler doucement sur le foyer avec des budgets décents, et le tour sera joué. Bravo.
J’adore cette série. Je serai devant mon poste dimanche. Il faut savoir que beaucoup de personnes l’enregistre. Donc le taux d’audience est encore plus élevé. Bravo.
Merci beaucoup pour ce très bon article. La question du financement de ce type de séries sera abordée ce mardi 22 mars au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles puisque j’avais décidé d’interpeller le Ministre Marcourt sur ce sujet il y a déjà quelques jours.
… et il y a aussi une petite faute d’orthographe (distraction 🙂 ) dans : « Et où nos plus proches voisins (flamands) puisent chaque année leur meilleures audiences. » , il manque un « s » à « leur ».
A part cela, c’est un très bon article !! 😉
Je suis de Suisse et j’ai adoré cette série. De plus ça m’a permis de découvrir le groupe Balthazar que je ne connaissais pas et qui est très bon.