Salué en ouverture du Festival de télévision de Monte-Carlo, le comédien français se dit “honoré” de ce prix récompensant ses mille vies vécues au cinéma, au théâtre, en télévision et fourmille de nouveaux projets.
Il est apparu tout sourire, vendredi soir, sur le tapis bleu du Festival de télévision de Monte-Carlo. Posant aux côtés du prince Albert II de Monaco, Pierre Arditi n’a pas caché son émotion au moment de recevoir de ses mains une Nymphe de cristal saluant la richesse et la longévité de sa carrière : 60 ans au service du théâtre, du cinéma, mais aussi des séries.
Lui qui a déjà reçu deux César et un Molière et semble avoir vécu des centaines de vies sur les écrans, reconnaît pourtant que sa carrière a pris un tournant particulier lorsqu’il est devenu héros en télévision. Avec des séries comme Sauveur Giordano pour TF1 ou, surtout, Le Sang de la vigne pour France Télévisions. Au point de tout changer à ses yeux ?
“Ce qui a changé pour moi, c’est la télévision elle-même. Quand j’ai commencé, il y a 60 ans, comme tous les jeunes acteurs, j’essayais de trouver quelqu’un qui me proposerait un petit rôle. Et à un moment donné, on m’a demandé si je voulais faire un peu de télévision. Mais à l’époque, il ne fallait pas faire de la télévision. C’était mauvais pour les acteurs. Il fallait faire du cinéma, du théâtre, mais pas de télévision. Mais je me suis dit que j’allais faire de la télévision. D’abord parce qu’il y a des gens intéressants à la télévision, et ensuite parce que je ne voulais pas continuer à traîner dans les couloirs avec la main tendue pour qu’on me fasse l’aumône de me proposer trois phrases à dire. J’étais vraiment très jeune. J’avais 22 ans. C’est resté gravé en moi. J’ai été très reconnaissant à la télévision de commencer à me faire toucher du doigt mon métier. À l’époque, les acteurs ou les actrices disaient qu’il ne fallait pas faire ça. Dix ans plus tard, tout le monde, bien entendu, s’est ravisé et on a pu faire de la télévision.”
« Ce prix n’est pas une médaille en chocolat ! »
Ces prix, à ses yeux, sont à la fois de doux souvenirs et une façon de l’encourager à poursuivre son art. “Certains prix sont des doux souvenirs, puisque je les ai depuis un certain temps, mais c’est surtout une reconnaissance de ma carrière, comme vous dites, mais aussi une reconnaissance du public et de mes pairs. Ce qui fait plutôt plaisir parce qu’évidemment, pour être poli avec moi-même, j’avance dans le temps. Cela veut dire qu’en fait, je vieillis et qu’à un moment donné, tout ça, ce ne seront plus que des souvenirs. Est-ce que je les vivrai encore ? Je n’en sais rien. Je ne crois pas à ce qui se passe derrière. Donc, ça m’étonnerait, mais ça ne peut pas me laisser indifférent. Il y a des gens qui disent : c’est une médaille en chocolat. Non, ce n’est pas une médaille en chocolat ! Ça veut dire qu’on fait partie de la famille. Cette famille, ça fait 60 ans que j’ai choisi d’en faire partie. Donc, on peut trouver que c’est ridicule. Je m’en fiche complètement. Ce qui compte, c’est ce que je ressens moi. J’étais très fier de la recevoir et encore plus fier que ce soit le prince Albert qui me la remette. Parce que je l’estime et que, visiblement, il m’estime aussi. Donc, oui, ça me touche. Et puis, ce sont des petits moments comme ça où je me dis, tiens, j’ai eu un César, c’est bien. Ça peut soigner des moments qui ne seront pas forcément aussi roses dans ce qui m’attend de la vie”, note-t-il avec une touche d’ironie.
On parle notamment de son retour annoncé dans le costume du personnage de Benjamin Lebel de la série Le Sang de la vigne. Un projet qui lui procure “beaucoup de plaisir. D’abord, parce que j’ai adoré tourner cette série qui est devenue très populaire et s’est malheureusement arrêtée en pleine gloire pour des raisons que je n’expliquerai pas, parce que ça n’a rien à voir avec moi, ni avec l’audience, c’était des trucs entre chaînes. Donc les scénaristes sont en pleine écriture et ça va probablement repartir. Je suis absolument ravi. D’abord parce que j’aime le vin. Je ne devrais pas faire de pub pour le vin. Enfin bon, ça va quoi, quand même… Et puis, j’aime bien ce voyage-là parce qu’on rencontre des gens délicieux, très intéressants.”
Un voyage où Pierre Arditi embarque une partenaire qu’il connaît aussi très bien… “Oui, il paraît… Ma femme. Si ça se fait, le premier épisode se refera avec elle. Après, il y en aura d’autres, je ne vais pas l’avoir sur le dos dans tout ce que je fais, rétorque-t-il frondeur. Mais oui, le premier sera écrit pour nous deux.” Rare occasion de le revoir jouer aux côtés de la comédienne Evelyne Bouix. Le tournage devrait avoir lieu en mai ou en juin de l’année prochaine.
Un amour intact pour le théâtre
D’ici là, d’autres projets vont occuper le comédien dont la création de la pièce : Je me souviendrai de presque tout au Théâtre Montparnasse ? Un reflet de l’acuité de sa mémoire ?
“Je n’ai pas de problème de mémoire. Le titre pourrait faire penser cela. Mais non, le personnage ne perd pas la mémoire. Il y a des choses qu’il veut bien dire et il y en a d’autres qu’il n’a pas envie de raconter. Donc, il veut bien se souvenir d’un certain nombre de choses. Il y en a d’autres qu’il ne confie pas. Cela parle du rapport entre un père et un fils. Ils ne se sont pas revus depuis une vingtaine d’années. C’est compliqué entre eux et, dans des circonstances que je ne vous raconterai pas, ils arrivent à se retrouver pour, finalement, partager ce morceau de vie, voilà…”
Quant à ses souvenirs professionnels les plus heureux, Pierre Arditi n’en fait pas mystère… “C’est La vie. Il n’y a pas de souvenir plus heureux que la vie. Quelle qu’elle soit. C’est mon père qui m’avait dit, à un moment donné, tu verras, les choses qui ne t’ont pas plu, qui t’ont mis en colère ou qui t’ont déçu, avec le recul, tu trouveras ça attendrissant. Probablement parce qu’avec le temps, on se dit, oui, ça ne m’a pas plu, mais finalement, c’était le bon temps, comme on dit. Le bon temps est toujours là. Même s’il n’est pas vécu de la même manière.”
L’occasion d’embrasser le monde
Une chose demeure : son amour des planches ne faiblit pas… “Non, vraiment. Si ça faiblissait, je ne le ferais pas. J’ai un âge où je peux m’offrir le luxe de ne pas faire ce que je n’aime pas. Ça ne s’éteindra jamais. Ça s’éteindra avec moi.”
Comme des piqûres d’adrénaline dont il a envie ou besoin ? “Ce n’est pas seulement ça. Quand on décide de faire ce métier, finalement, on le fait pour embrasser le monde. J’embrasse le monde et, toute modestie mise à la poubelle, il m’embrasse aussi. Pourquoi est-ce que je me supprimerais ce plaisir ? Il n’y a pas de raison. Encore une fois, tout ça s’arrêtera l’heure venue. Je ne connais pas la date et je ne veux même pas y penser.”

« Quand je serai mort, je m’arrêterai, pas avant ! »
L’acteur continue d’ailleurs à fourmiller de projets dont le prochain tournage de la fiction Un p’tit air de bonheur devant la caméra de Jacques Santamaria (Mongeville).
“Oui, c’est pour ça que je ne reste pas au festival. Je commence lundi. Avec mon copain Laurent Gérard, c’est une comédie très jolie. Et ensuite, j’entre en répétition pour la pièce au Théâtre Montparnasse. On me dit, mais tu n’arrêtes pas. Si, je vais m’arrêter. Quand je serai mort, je m’arrêterai. Il n’y a pas de problème. Pas avant.”
Preuve que ses problèmes de santé – deux malaises sur scène intervenus en 2023 – sont loin derrière lui. Ce qui devrait rassurer tous ses fans. “Maintenant, ils sont rassurés, ça va. C’est marrant et adorable à la fois. J’ai reçu des centaines de lettres. C’est très bien de vérifier qu’on est populaire. Honnêtement, je me serais volontiers passé de le vérifier de cette manière-là. Mais bon, voilà, c’est comme ça. Tant mieux pour moi. Mais vraiment, à un moment comme ça, quand ils me recroisaient dans la rue, les gens me disaient : Ah, ça fait plaisir de vous voir. Ça va bien ? Oui, ça va, ça va. (Il mime, faussement bougon) C’était charmant. J’avais l’impression d’être toujours un mort en sursis. Non, tout cela, c’est fini.”
L’œil pétillant, Pierre Arditi salue et nous remercie avant de filer faire un direct pour la télévision monégasque. À la fois étonné et heureux de l’affection que le public lui manifeste.
Entretien: Karin Tshidimba, à Monte-Carlo
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