La nouvelle série de Cédric Klapsich (Dix pour Cent) a été présentée en ouverture du Festival Séries Mania à Lille, vendredi soir. Le cinéaste français a aussi rencontré le public et la presse ce samedi.
“Une personne meurtrie par le Brexit m’a soufflé l’idée : il faudrait reprendre le sujet de L’Auberge espagnole et parler de la nouvelle génération européenne.” Car le contraste avec les souvenirs et l’ambiance du film de 2002 est réel. “C’était une époque d’euphorie, une période enthousiasmante. On ressentait plus d’insouciance, alors et davantage de fragilité, aujourd’hui”, souligne le réalisateur et scénariste Cédric Klapisch.
Plus cosmopolite par son casting, la série brasse davantage de langues et de nationalités que les films qui l’ont précédée. “À l’époque, on ne voulait pas que cela excède 50 % de dialogues en anglais”, mais le monde a changé et la communication, aussi, devenue nettement plus globalisée.
Portrait d’une époque
Avec cette suite sérielle de sa célèbre trilogie cinématographique – L’Auberge espagnole, Les Poupées russes (2005) et Casse-tête chinois (2013) -, difficile de trouver un sujet qui colle mieux à la soirée d’ouverture de Séries Mania, festival prenant le pouls de la création audiovisuelle européenne et mondiale chaque année en mars à Lille.
“J’aime faire le portrait d’une époque par le filtre de la jeunesse car ils essaient d’être en phase avec elle, de la décrypter et d’y réagir”, souligne Cédric Klapisch. Malgré le succès et les souvenirs engrangés, le cinéaste n’a “pas eu envie de développer encore la vie sentimentale de Romain Duris (Xavier) et Kelly Reilly (Wendy)”, les personnages centraux de ses trois films.
La série s’intéresse donc aux deux enfants de Xavier et Wendy, Mia et Tom – découverts à respectivement, 4 et 9 ans, dans les films -, que l’on retrouve en Grèce, confrontés aux lourdes conséquences de la crise migratoire. “C’est une jeunesse moins insouciante et plus engagée”, souligne le créateur. Même si l’engagement recouvre, évidemment, différentes formes : Tom (Aliocha Schneider) est un jeune start’uppeur qui veut réussir dans la green economy, tandis que sa sœur Mia (Megan Northam) est une activiste pure et dure, préférant “faire de la politique plutôt que d’en parler”.
“La question de l’héritage est centrale dans la série, mais pas seulement l’héritage chromosomique. Que fait-on du mode de vie et du modèle proposé par nos parents ?” Vingt ans plus tard, c’est au tour de Tom et Mia de se positionner.
Une série au propos résolument politique
“J’essaie de décrire une réalité sociale. C’est un hommage à ma mère qui trouve que je ne mets plus assez de politique dans mes films”, explique le réalisateur, qui confie avoir mené un gros travail journalistique de documentation et d’enquête, comme il le fait toujours avant chacun de ses films. “J’ai passé beaucoup de temps en Grèce et j’ai travaillé avec cinq scénaristes qui avaient entre 26 et 30 ans. Pour comprendre comment ils réagissent et fonctionnent puisque je n’ai plus l’âge de mes personnages.”
À cela s’ajoute le regard porté par les jeunes comédiens sur leurs rôles respectifs (étudiants ou activistes) au fil des six mois vécus ensemble à Athènes pendant le tournage. “Un Erasmus très réussi”, souligne la comédienne italienne qui joue Giulia.
Si la série multiplie les situations qui semblent, au départ, totalement rocambolesques, la réalisation à la fois organique et pleine d’énergie de Cédric Klapisch et de ses deux coréalisateurs (déjà à l’œuvre sur la saison 1 de la série Dix pour Cent) ainsi que le jeu des acteurs très naturel et convaincant emporte cette partition qui résume bien les dilemmes et les défis affrontés par l’Europe aujourd’hui.
“L’individu face au collectif et comment le collectif peut résoudre des problématiques individuelles.” Dans un monde qui, visiblement, cherche un second souffle, les propositions et positions prises par la jeunesse indique un cap à ne pas négliger.
Cette odyssée en huit épisodes est à découvrir le 14 avril sur Prime Video. Et Arte propose justement de redécouvrir la trilogie de Cédric Klapisch au fil du mois d’avril sur son antenne.
Entretien: Karin Tshidimba, à Lille
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