Cyril Mennegun filme le voyage mental d’une femme tiraillée entre désirs de création et fantasmagories de la maternité. Y aura-t-il un peu de répit autour de la table à Noël ? Réponse jeudi sur Arte.tv
Une maison sous la neige en Haute-Savoie, un intérieur chaleureux où scintillent les décorations de Noël. Assise à son bureau, une femme écrit. Nathalie (Audrey Fleurot) semble très heureuse d’avoir renoué avec son cahier et son stylo. « Ça m’est revenu. Tout m’est apparu super clairement. » L’auteure a écrit toute la nuit car elle ne voulait pas perdre les images et le fil de l’histoire en train de se former dans son esprit. Très vite, on comprend que ses proches doutent que ce soit vraiment la fin de sa panne d’inspiration et qu’elle aille jusqu’au bout de son projet. Nathalie déchante, chancelle mais veut y croire.
Marc (Cédric Kahn), son mari, part chercher ses parents à l’aéroport. Tandis que Nathalie espère que leur fille Alice (Lily Taïeb) va bientôt se réveiller et pourra l’aider à tout préparer pour la soirée de Noël.
Peu de temps après, une tempête de neige s’abat sur la région isolant le chalet où Nathalie et Alice sont restées seules. Au fil des heures, la solitude, les intempéries, l’inquiétude et les ombres autour de la maison font monter la tension au sein du chalet. Mais peut-être est-ce l’imagination de Nathalie, à nouveau fonctionnelle, qui lui joue des tours ?
Au même moment, à des milliers de kilomètres de là, une jeune fille de 16 ans, pensionnaire d’un orphelinat, apprenant qu’elle ne peut plus être hébergée par les religieuses, décide de mettre fin à ses jours. Or on découvre que le personnage qui hante désormais l’esprit de Nathalie a justement les traits de la jeune Iona.
Un chalet de montagne comme un dédale mental
Cyril Mennegun se joue de l’angoisse qui monte à travers l’architecture moderne de l’intérieur de ce chalet, à la fois sombre et dépouillé où un long couloir, jalonné de quelques lampes, s’ouvre sur un dédale de portes. Cet univers peuplé d’angles, de symétries et de recoins sombres est à l’image de la relation souvent tendue entre la mère et la fille, oscillant entre harmonie et dissonance. On sent que leur relation est loin d’être apaisée et que l’adolescente a pas mal de reproches à adresser à sa mère.
En résulte une journée traversée de réminiscences, de doutes et de mauvais songes. Un jour sans fin hanté par les ombres et les bruits venus du dehors qui vont peu à peu convaincre Nathalie qu’elle est en train de perdre pied et de devenir folle.
Audrey Fleurot est très convaincante en blonde hitchcockienne qui tente de résister aux doutes et pressentiments qui l’assaillent. Elle campe avec nuances cette femme très éloignée de la gouaille et de l’image haute en couleur projetée par Morgane, son personnage déjanté dans la série HPI.
Le scénario de Florence Vignon aspire la fièvre et la tension du roman originel, signé par l’auteure américaine Laura Kasischke, paru en 2013. Le réalisateur Cyril Mennegun – qui a obtenu le César du meilleur premier film avec Louise Wimmer en 2013 – distille l’angoisse avec parcimonie et fait de la maison un espace mental dans lequel son héroïne se perd peu à peu. En trois épisodes, le duo livre un huis clos fantomatique et oppressant à la Shutter Island qui pose des questions sur le lien à la création et à la maternité. Une ambiance gothique habilement détournée par la beauté de la photographie et l’élégance des intérieurs et des tenues des comédiennes.
Esprit d’hiver*** Thriller domestique Création Cyril Mennegun Scénario Florence Vignon, d’après le roman de Laura Kasischke Avec Audrey Fleurot, Cédric Kahn, Lily Taïeb Sur Arte.tv Le 3 novembre (3 x 45’)
Karin Tshidimba
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