Une femme aux cheveux blancs, un homme aux noirs desseins et au milieu, toutes les nuances de la masculinité à explorer… C’est l’un des paris de la série belge Pandore***. A voir sur La Une, dimanche à 20h55 et sur salto.fr dès ce vendredi

Avec cette longue chevelure argentée affichée en plein écran, aucun doute n’est permis. « Claire Delval est une femme d’une cinquantaine d’années. D’habitude, les personnages ont tendance à disparaître à cet âge-là. C’était important pour nous d’assumer son âge et de faire d’elle un personnage central. Pas un personnage secondaire, la femme de… Les cheveux blancs faisaient partie de cette réflexion. Savina et Vania m’ont poussée en me disant : ça suffit, arrête de te colorer les cheveux. On a eu le temps du confinement. Et au final, on en est toutes très heureuses » confie la comédienne et scénariste Anne Coesens.

Le premier pari de Pandore se veut donc positif : affirmer que les cheveux blancs peuvent être sexy. « C’était une volonté délibérée de montrer la beauté selon d’autres critères que ceux qui nous sont imposés tout le temps et qui nous suffoquent. On voulait quelque chose de très naturel – montrer les reflets, la sueur… -, on voulait sublimer la beauté de notre personnage sans recourir aux artifices habituels, en chercher d’autres. On s’est demandé si ce n’était pas justement notre rôle en tant que réalisatrices », précise Savina Dellicour également coscénariste.

« Pandore » explore les différents types de masculinité

De la même manière, Pandore propose différents types de masculinité. Avec Mark (Yoann Blanc), personnage retors, cachant des fêlures intimes et Peter (Van den Begin), homme disponible et à l’écoute de sa femme.

« On voulait faire attention à ce que chacun vit dans cette histoire, explique Vania Leturcq, réalisatrice et coscénariste. On a été accompagnées très tôt dans l’écriture par Willem Wallyn, script doctor (consultant à l’écriture, NdlR) qui nous disait qu’il ne fallait pas que nous jugions le comportement de Mark, qu’il fallait l’aimer comme nos autres personnages. Cela n’aurait aucun intérêt de faire une série à charge. On a dû faire ce chemin en se disant qu’on ne partageait pas forcément ses idées politiques, ni son mode de vie, mais il fallait qu’on comprenne quel fils, quel compagnon, quel père il est… On a dû plonger là-dedans, même à reculons. »

« Oui, un homme qui épaule sa femme, ça peut être sexy »

Une autre réalité difficile à écrire était ce groupe de jeunes hommes, auteurs du viol collectif du premier épisode. « Difficile de savoir ce qui se passe dans la tête d’un jeune de cet âge qui se sent poussé à cela, qui a besoin de cela pour faire partie du groupe, pour s’affirmer. On a dû se poser des questions sur la masculinité toxique, sur l’injonction à la virilité… Comme Mark, à qui on dit lors du premier épisode: les hommes ne te trouvent pas assez fort et les femmes ne te trouvent pas assez sexy. Qu’est-ce que c’est une figure d’homme public ? Ce sont des questions qu’on a dû se poser… » Sans compter que Mark Van Dyck utilise des techniques de peur et de « désignation de victimes expiatoires, deux pratiques assez répandues en politique », souligne Savina Dellicour.

Les scénaristes ont voulu contrebalancer cela avec d’autres types d’hommes « pour que cela ressemble aux gens qui sont autour de nous. Comme le personnage de Peter qu’on aime énormément. Pourtant à la lecture du scénario, certains nous disaient qu’il n’était pas assez sexy. Mais on a tenu bon, en insistant: si, c’est comme les cheveux blancs. Un homme à l’écoute, qui est là pour épauler sa femme, ça peut être très sexy. Il y avait à nouveau cette envie de parler de ce qu’on pense connaître autour de nous et d’autres types d’hommes qu’on connaît moins mais qu’on a essayé de creuser. »

Si l’on exclut son formidable greffier, campé avec gourmandise par Vincent Lecuyer, un troisième homme brille dans l’entourage direct de la juge, un allié précieux, efficace et profondément humain.
« Quand on a découvert Noureddine Farihi en casting, on a été frappé par son humanité, se souvient Vania Leturcq. On s’est dit qu’il pouvait tout à fait jouer le commissaire Van Bocksel, être bruxellois d’origine marocaine et parler le flamand parce que c’est cela aussi la réalité de Bruxelles aujourd’hui. » Une fois encore, oublier les habitudes et les clichés.

Filmer Bruxelles à la façon de la série « Borgen »

Ainsi émerge un groupe de personnages semblables à ceux qu’on peut croiser tous les jours dans la rue. « Tout sonne vrai, c’est l’une des forces de la série », souligne son producteur Ives Swennen, chantant les louanges de son trio de scénaristes déterminées.

Ensemble, elles ont veillé à l’ancrage très bruxellois de la série. On y voit Bruxelles avec ses côtés « laids, beaux, étonnants et surprenants ». On y boit de la bière, on y mange des frites, sans excès ni caricature. « On n’a pas fait de concessions sur ce plan-là. Le commissaire assume son côté flamand. Peter, quand il s’énerve, retrouve sa langue maternelle. Chacun assume pleinement ses origines. Mais plus on est local, plus on est universel », affirme Ives Swennen convaincu.

Un constat qui n’a rien d’étonnant puisqu’une de leurs références était la série la série Borgen qui, tout en étant très ancrée au Danemark, était accessible et « permettait de comprendre parfaitement les enjeux de son intrigue. Notre volonté était de faire de même à Bruxelles, en gommant seulement les aspects trop compliqués de la politique belge. En dessinant une trame narrative claire sans omettre l’aspect parfois absurde du système politique belge », insiste Vania Leturcq.
Au-delà de ce particularisme se dessinent des thématiques universelles : la question du pouvoir, de l’immigration ou de la montée du populisme, plus aiguës en Flandre qu’en Wallonie ou à Bruxelles…

Visiblement, le public a été intrigué : 309.578 téléspectateurs, soit 25,7 % de personnes présentes devant leur téléviseur dimanche soir, regardaient Pandore, de quoi en faire le troisième meilleur démarrage d’une série belge après La Trêve et Ennemi Public. Un joli score que toute l’équipe espère confirmer ce dimanche soir.

Karin Tshidimba