La douceur, la disponibilité et la générosité de la chanteuse et comédienne ont fait mouche lors de la masterclass organisée vendredi soir à Lille. Une rencontre au cours de laquelle Audra McDonald a évoqué son parcours à Broadway et face aux caméras. De The Good Fight au film Respect sur Aretha Franklin, en passant par ses nouvelles séries The Gilded Age et The Bite.

« A neuf ans, je savais déjà que je voulais être sur scène à Broadway.» Ce rêve, Audra McDonald s’en souvient parfaitement. Il est le fruit de sa détermination et de son talent mais aussi de son histoire familiale. Fille d’un musicien, professeur de musique, petite-fille d’une talentueuse pianiste, la petite Audra est entourée de six tantes « aux voix de gospel puissantes » qui trouve sa « petite voix tellement mignonne » quand elle chante… Parvenir à se faire entendre est donc un premier défi pour la fillette qui ne tient pas en place.
Enfant hyperactive, elle trouve dans le théâtre et le chant, un « lieu » où, enfin, elle se sent à sa place… «Le théâtre est ma première langue. Il m’a apaisée» nous a-t-elle confié en entretien quelques heures avant de monter sur scène. Même si la route sera encore longue avant de trouver définitivement sa voix et sa voie…

« Je me demandais comment ma formation au chant classique à la Juilliard School pourrait me mener à Broadway et je pensais m’en éloigner », a-t-elle souligné lors de sa masterclass vendredi soir à Séries Mania. « Mais, finalement, à travers les cours et les répétitions, j’ai réussi à faire mon chemin. Broadway est la plus haute place dans l’univers théâtral, aujourd’hui, c’est ma maison », affirme-t-elle avec un mélange de reconnaissance et de joie dans la voix. Un timbre magnifique et chaud qu’elle n’a pas hésité à faire résonner à deux reprises dans la salle de l’UGC Ciné Cités qui accueillait sa rencontre avec le public.

Artiste complète – à la fois soprano et chanteuse de gospel, danseuse, actrice sur tous les écrans et comédienne sur les scènes de Londres à New York – Audra McDonald est aussi une femme engagée vis-à-vis de ses contemporains. À travers son association Black Theatre United, elle lutte pour une meilleure représentation de toutes les origines sur scène. Un combat qui se poursuit toujours aujourd’hui. « Broadway n’était pas aussi inclusif, lorsque j’y ai débuté en 1993, qu’il ne l’est aujourd’hui mais heureusement, il n’est plus possible de revenir en arrière. »

Son credo: « lutter contre les stéréotypes et faire entendre toutes les voix »

C’est ce parcours exemplaire que l’équipe du festival a choisi de saluer en lui accordant le tout premier Séries Mania Étoile Award lors de la soirée d’ouverture à Lille. Un prix qui vient s’ajouter à une moisson déjà très impressionnante: six Tony Awards (elle est l’artiste américaine de théâtre la plus récompensée et la seule à avoir reçu un prix dans chacune des catégories existantes), deux Grammy Awards et un Emmy. Le tout couronné par la National Medal of Arts qui lui a été remise par Barack Obama en 2015.

De quoi la rapprocher de ses idoles auxquelles elle pensait en chantant dans la chorale de son église: Barbra Streisand, Patti LuPone et, bien sûr, la grande Diahann Carroll, actrice et chanteuse afro-américaine, considérée comme pionnière à la télévision américaine. Un parcours inspirant qui rejoint ses préoccupations personnelles.

Il faut dire qu’Audra McDonald a grandi dans une famille très impliquée dans la question des droits civils. « Mon grand-oncle discutait justement de cette question avec Bobby Kennedy deux jours avant qu’il ne soit assassiné en 1968. » Se mobiliser à travers son art et se servir de sa voix pour « lutter contre les stéréotypes et faire entendre celle des autres est donc une obligation » à ses yeux. Presque une seconde nature.

Ce qui ne l’a pas empêché d’aborder des personnages parfois très éloignés d’elle-même.
« Private Practice est arrivé à un moment très particulier de ma vie, mon père venait de mourir dans un accident d’avion, j’étais en plein divorce, cela a été l’occasion de changer complètement de route et de me réinventer et surtout d’apprendre à ne plus craindre les écrans et la caméra. Les convictions de Naomi (dans Private Practice) étaient très éloignées des miennes. »
Pourtant la réalité rejoint parfois la fiction… En lui imaginant une très jolie sortie de scène au bout de quatre saisons, Shonda Rhimes n’a fait qu’anticiper la grossesse surprise qu’Audra elle-même a vécu à 46 ans. « Je pense que Shonda est un peu sorcière », a-t-elle confié en riant.

Ces séries sont à la fois divertissantes et pertinentes politiquement

La force de Shonda Rhimes mais aussi de Robert et Michelle King, les showrunners avec lesquels elle a eu l’occasion de travailler sur Private Practice et The Good Fight est de « parvenir à créer des séries qui soient à la fois divertissantes et pertinentes sur le plan politique ». Comme lorsque la série aborde la question de l’accès au vote pour les Afro-américains. « Le personnage (de Liz Reddick) est si proche de moi que c’en est devenu cathartique » analyse l’actrice.

Au-delà de la saison 5 de la série The Good Fight, Audra McDonald sera très prochainement à l’affiche de Respect, le biopic consécré à Aretha Franklin dans lequel elle joue, aux côtés de Jennifer Hudson, le rôle de la mère de la future Reine de la Soul. Et on pourra la découvrir dans The Gilded Age, la nouvelle série historique de Julian Fellowes (Downton Abbey) pour HBO, ancrée dans la haute société new-yorkaise en 1885. Où elle retrouve sa complice Christine Baranski.

A Séries Mania, c’est dans un tout autre registre qu’elle apparaît avec son rôle de médecin confrontée à un effrayant virus qui touche ses patients confinés. Une partition qui mêle horreur et humour au cœur de The Bite, tournée dans des conditions très particulières en pleine pandémie. «La série a permis de donner du travail à un tas d’artistes et de professionnels qui avaient perdu tous leurs droits aux assurances en raison des 18 mois de fermeture de Broadway», souligne-t-elle avec fierté.

« Nous avons tourné en pleine pandémie de manière très sécurisée via zoom. C’était l’occasion de se voir et de se parler de ce qui se passait dans le monde. Nous avons tourné pendant les élections et pendant l’insurrection. Le fait de chasser les bras et les têtes de ces zombies (elle mime la scène) nous a donné l’occasion de crier, de rire et de nous défouler contre ce virus et toutes les choses qui n’allaient pas autour de nous à ce moment-là. Cela m’a vraiment aidé à rester saine d’esprit », confie-t-elle en souriant.

Rencontre à Lille: Karin Tshidimba