the state garçons.pngVoici la série qui a tant fait parler d’elle à la rentrée en Grande-Bretagne. Il faut dire que The State*** n’y va pas pas quatre chemins en s’inscrivant dans les pas de quatre jeunes recrues de « l’Etat islamique » en route pour la Syrie.

En choisissant de les plonger d’emblée au coeur du combat et de la réalité de la vie au califat, Peter Kosminsky permet de démystifier le lieu et les contours de cette quête «idéologique» qui se heurte très vite à une réalité cruelle, à la fois matérielle et militaire. La réalité d’un Etat policier où les frères et les sœurs vivent séparés, dans une fraternité de façade qui n’empêche pas que chacun se méfie de son voisin. Où l’apparence et la foi comptent plus que la vie et la santé. Et où on encourage les combattants à ne pas trop s’attacher les uns aux autres puisque chacun pourrait mourir demain (et il ne s’agit pas là d’une formule poétique).

En quatre épisodes, The State retrace l’enrôlement de quatre futurs djihadistes du rêve à la désillusion. Une mini-série à voir ces mardi et mercredi à 21h sur Be TV mais aussi les 10 et 11/11 à 22h30.

Recherches documentaires et interviews

the state filles.jpgCet univers halluciné, Peter Kosminsky le capte avec beaucoup de réalisme, lui qui a rencontré des recrues de Daech et s’est documenté pendant dix-huit longs mois, notamment via les comptes Facebook de djihadistes revenus en Angleterre.
C’est d’ailleurs la carte de visite de ce réalisateur qui n’a jamais eu peur de se confronter aux zones de guerre (Warriors, sur la Bosnie, en 1999), aux conflits fratricides (The Promise, sur la Palestine, en 2011) ou aux aberrations de leaders sanguinaires et tout-puissants (la série historique Wolf Hall en 2015).

Autant que son contenu controversé, c’est sa résonance avec l’actualité – la série a été diffusée sur Channel 4, trois jours seulement après les derniers attentats en Espagne – qui a pointé tous les regards vers elle.

the state Jalal 2.jpgOn regrette cependant que la série passe un peu rapidement sur les raisons, et les moyens surtout, de l’endoctrinement de ces quatre jeunes postulants djihadistes, l’élément déclencheur de leur ralliement à Daech n’étant révélé qu’au fil des jours et de façon assez sommaire. En revanche, les tâches assignées à chacun (endoctrinement, propagande et combats d’un côté ; intendance, police des moeurs et «repos du guerrier», de l’autre) démontent bien le fonctionnement de cet Etat autoproclamé qui sème la souffrance, la peur, les humiliations et la haine, en prônant des comportements abjects et en faisant fi du respect minimum dû à tout être humain. Loin des promesses d’un islam de paix et de miséricorde.

Idéalisme béat et désir de revanche

the state femmes.jpgQu’ils soient mus par un idéalisme béat (Shakira, médecin et mère célibataire d’un garçon de 9 ans), par une quête spirituelle au parfum d’angélisme (Ushna), par la quête de la vérité et un esprit de revanche (Jalal) ou par goût pour l’aventure (Ziyaad), chacune de ces quatre recrues va rapidement être confrontée à ses limites ainsi qu’aux mensonges, coups bas et contradictions flagrantes du système.
De flagellations en décapitations, de brimades en interdits, The State permet aussi de voir comment Daech fait vivre l’enfer aux plus faibles (les enfants, les femmes et les vieillards) sur son territoire tout en ne promettant le paradis qu’à une certaine élite: ses martyrs morts au combat.

Certains jugeront peut-être l’immersion trop douce et le cheminement vers la désillusion trop lent mais on ne peut pas reprocher à Kosminsky ses visées documentaires et didactiques. Des capacités déjà démontrées en 2007 avec la fiction The Britz évoquant les réactions diamétralement opposées d’une sœur et d’un frère musulmans après les attentats du 11 septembre 2001. Reste que certains journalistes ont déploré la vision romancée et les raccourcis historiques qu’emprunte forcément la série pour les besoins de la fiction.

KT