« Ils ont élu quelqu’un qu’ils ne connaissaient pas, c’est leur plus grande erreur. »
Le nouveau pape Lenny Belardo – qui a choisi le nom de Pie XIII – est un être imprévisible, ambitieux, orgueilleux et vindicatif.
Non content d’avoir brûlé la politesse à son aîné et mentor, le Cardinal Michael Spencer, voilà qu’il refuse de se plier à tous les usages de la fonction papale et rend littéralement fou le Cardinal Angelo Voiello, en charge de son agenda et de la diplomatie papale. L’homme est censé être son plus proche collaborateur mais The Young Pope*** ne l’écoute absolument pas…
Entre concept marketing révolutionnaire et curieuses manières, Pie XIII semble désireux de trancher avec les ouvertures du passé. Dans les coulisses, l’arrière-garde se rebiffe et la résistance s’organise. La première série de Paolo Sorrentino emmenée par le charismatique Jude Law s’annonce épique…
Lancée ce jeudi à 21h sur Be TV, elle est à découvrir sur grand écran ce samedi à 20h à Bozar dans le cadre du Festival are You Series.
Notre collègue Hubert Heyrendt était présent lors de la présentation de la série à la presse internationale à Venise en septembre dernier… Récit
Dans les coulisses du Vatican
Présentée en grande pompe dans le cadre de la Mostra del cinema de Venise, The Young Pope était l’une des séries les plus attendues de la rentrée. Si cette luxueuse coproduction entre HBO, Canal+ et Sky a eu les honneurs d’un grand festival de cinéma, c’est qu’elle est signée Paolo Sorrentino. Et l’on peut dire que le réalisateur de « La grande bellezza » met ici toute la puissance de son cinéma au service d’une série époustouflante, qui retrace l’arrivée au pouvoir au Vatican d’un nouveau pape, le mystérieux Pie XIII. Un jeune cardinal américain qui a su profiter des jeux obscurs du conclave pour se hisser, à la surprise de tous, sur le trône de Saint-Pierre.
Hors du sérail
Dès les premières images, on est chez Sorrentino. D’une montagne de nouveaux nés entassés place Saint-Marc à Venise, émerge le pape, campé par Jude Law, dans une scène onirique qui porte la patte de son auteur. Producteur de la série, le comédien anglais se révèle très convainquant dans le rôle d’un homme de pouvoir cynique, qui refuse de se laisser manipuler par le tout-puissant secrétaire d’Etat Voiello (génial Silvio Orlando), grand supporter du FC Napoli et homme de la diplomatie et de la politique au sein du Vatican. Comme conseiller personnel, Pie XIII choisit une personne hors du sérail : sœur Marie, la religieuse qui l’a recueilli dans son orphelinat (Diane Keaton, photo).
Mais quelles sont réellement les positions théologiques et politiques de ce pape atypique ?
Ce n’est qu’à la fin du 2e épisode, lors de la première adresse urbi et orbi du jeune pape qu’on entraperçoit la noirceur qui habite ce personnage capricieux et inquiétant, odieux et méprisant. Un jeune homme qui fume dans les couloirs du Vatican et ne prend qu’un Coca Cherry au petit-déjeuner, tout en insultant ses collaborateurs et en n’hésitant pas à blasphémer… Jusqu’à remettre en cause l’existence de Dieu. Car si Pie XIII a des points communs évidents avec l’actuel pape François (comme lui, il est seul face à la Curie), il en est un revers sombre, quasi diabolique.
L’ivresse du pouvoir
Dans « Il Divo » déjà (portrait époustouflant de Giulio Andreotti), Sorrentino mettait en scène les coulisses du pouvoir.
Il retrouve ce thème dans une œuvre ambitieuse dont la longueur (10 épisodes écrits et réalisés par le cinéaste italien) lui permet d’entrer dans le détail du Vatican et aussi de varier les tonalités à l’envi, de la farce jusqu’au quasi-fantastique.
Bénéficiant d’un budget confortable, Paolo Sorrentino a pu en outre s’offrir de magnifiques décors ainsi qu’un casting international de haute volée, qui réunit autour de Jude Law, la Belge Cécile de France, la Française Ludivine Sagnier, l’Américain James Cromwell ou encore l’Espagnol Javier Cámara. Tous sont dirigés avec soin dans une série audacieuse qui questionne avec une vraie singularité le rapport à la foi et la puissance d’une institution comme l’Eglise catholique romaine.
Cet enthousiasme est largement partagé par le public et la critique.
Paolo Sorrentino a, sans conteste, réussi un coup de maître : dévoiler une série chic et choc volontiers baroque, inscrite dans le sillage d’un Pape qui se décrit comme une contradiction vivante : à la fois jeune et réactionnaire, imprévisible et révolutionnaire.
Passés les premiers épisodes très rock’n’roll et formidablement mis en scène – avec des scènes d’anthologie composées comme des tableaux de grands maîtres qui s’impriment durablement sur la rétine -, le propos se complexifie, les personnalités se creusent et se dévoilent.
On ne demande qu’à voir la suite…
KT
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