trepalium 6.jpgUn univers de grisaille semblable à une zone de guerre. Une ville dévastée où errent des hommes et des femmes visiblement frigorifiés en quête d’une eau potable trop rare.
Bienvenue dans la Zone où résident désormais les 80% de chômeurs que la société ne souhaite plus accueillir. Une population de zonards tenus à l’écart d’Aquaville, cité-entreprise à l’insolente modernité, par un Mur aussi long qu’imposant.
Dans ce futur proche gangréné par la crise économique, tous rêvent de gagner à la Grande Loterie qui leur donnera l’opportunité d’aller vivre au Sud «là où il y a du travail pour tous». Une destination qui fait rêver Izia et son fils Noah, et peut-être aussi Jeff et Lisbeth ses compagnons d’infortune. La vie de ces quatre-là va changer soudainement en raison de la décision du gouvernement de recruter 10 000 «emplois solidaires» afin de garantir une plus grand paix sociale.
Sélectionnés, Izia et Jeff vont chaque jour partir travailler de l’autre côté du Mur au contact d’une famille d’Actifs. Ce qui ne va pas tarder à créer des tensions parmi les autres zonards. D’autant qu’un groupe d’activistes se prépare à dynamiter ce système inégalitaire de l’intérieur.

Ainsi démarre Trepalium** fiction française d’anticipation proposée dès ce jeudi à 20h50 sur Arte.

trepalium 5.jpgVisuellement bluffante, la série Trepalium** cultive une ambiance futuriste froide et désincarnée: de grands espaces vides où des hommes et des femmes seuls, terriblement seuls se déplacent tels des robots. Thriller d’anticipation qui mêle peurs orwelliennes primaires et théories productivistes ultralibérales, la série dénonce aussi le poids des multinationales totalitaires sur le monde du travail.

«C’est une fable dystopique aux accents fortement politiques. Comme son nom l’indique, elle ne propose pas un monde idéal mais un monde qui serait allé vers ses pires défauts: l’ultralibéralisme dans un univers cloisonné», résume le réalisateur Vincent Lannoo qui s’est employé à traduire l’imaginaire des scénaristes Sophie Hiet et Antarès Bassis.

Aquaville, c’est d’abord la loi du «Marche ou crève» appliquée telle une sourde menace à tous et à chacun. Tous ceux qui, au-delà du Mur, rêvent d’enfin posséder un travail, ne réalisent pas à quel point vivre au-dedans et risquer, à chaque instant, de perdre son gagne-pain est une oppression plus grande encore.trepalium 7.png Aquaville, c’est la vie sous contrôle permanent, la fin de la liberté. Un monde où les manifestations sont interdites. Où délation, chantage et même meurtre règnent en maître. Tous les coups sont permis pour garder son travail ou obtenir une promotion.

Balisée par des contrôles de rendement et d’identité incessants, ce futur pernicieux ressemble au «1984» de Georges Orwell. Un univers où beaucoup d’êtres semblent forcés de cacher une double vie, un double jeu. Dans cette société aux écrans omniprésents, chaque tâche, chaque activité est minutée, la norme, même tacite, écrase des individus prêts à tout pour garder leur place dans le système et ne pas risquer d’être relégués dans la Zone. Une impression de pesanteur et de menace sociale que rend très bien l’univers visuel créé à coûts hyper contrôlés par le Belge Vincent Lannoo.

 Malheureusement, six épisodes c’est un peu court pour développer un univers aussi complexe et aussi contrasté si bien que nombre de personnages semblent singulièrement manquer d’étoffe, alors que leurs interprètes laissaient augurer du meilleur. On regrette notamment de n’avoir pas côtoyé davantage Charles Berling ou Lubna Azabal. Dommage d’autant que la froideur des lieux fait que l’on a mis du temps à s’attacher à eux. Reste une belle ambition, toujours intéressante à prendre dans une fiction française.

KT

nb: On peut retrouver ici le reportage réalisé en janvier 2015 sur le tournage de la série, reprenant  l’interview du réalisateur et des deux productrices.

mise à jour (22.04.2017): Le groupe Sundance a acquis Trepalium pour sa plate-forme SVOD. Jolie visibilité pour cette série réalisée par le Belge Vincent Lannoo et produite par Arte.