Fasciné par l’espionnage, Eric Rochant en avait déjà fait la matière première de deux de ses films: Les Patriotes et Möbius.
Ce lundi soir sur Canal+, il a replongé dans le chaudron des secrets avec Le bureau des légendes**, une série portée entre autres par Mathieu Kassovitz (photo), Jean-Pierre Darroussin et Léa Drucker. Un projet d’envergure qu’il a voulu le plus réaliste possible pour Canal+ et qu’il envisage d’emblée sur trois saisons (au moins).
«J’ai choisi de faire une série pour travailler une histoire qui va créer son propre passé. Un univers que l’on peut fouiller de façon méticuleuse et soignée, dans le quotidien, sur la longueur. J’avais envie de parler de gens normaux qui ont suivi une formation spéciale et mentent tout le temps, des personnes qui se demandent comment vivre une vraie relation, de vrais sentiments.»
L’intrigue se déroule entre Paris, Damas, Alger et Téhéran et se focalise sur deux agents secrets. L’une, jeune recrue, en partance pour l’Iran, et l’autre, agent aguerri, de retour après une mission longue durée en Syrie. Comment endosser une nouvelle identité avec un maximum de crédibilité ? Comment revenir à une vie normale lorsqu’on s’est glissé dans la peau d’un autre durant six ans, en construisant un réseau d’information solide, sans éveiller les soupçons? La question pourrait paraître banale, basique même, pour un agent du renseignement, mais dans le cas de Guillaume Debailly, alias Malotru, elle acquiert une résonance particulière alors qu’il a dû quitter son poste à Damas précipitamment.
Marchant sur le fil du mensonge et des faux-semblants, la série s’intéresse de près au fonctionnement de la DGSE (Direction générale de la Sécurité extérieure) même s’il a fallu extrapoler de nombreuses intrigues et techniques face à la stratégie du silence de la grande maison du boulevard Mortier.
Si la série ne nous prend pas (encore) à la gorge, elle déploie une trame intéressante et des personnages singuliers qui méritent d’être creusés. Entre une débutante, faussement douce (Sara Giraudeau), qui cherche ses marques, mais ne manque pas de culot, et un vieux briscard rompu à toutes les ruses mais visiblement en plein dérapage incontrôlé (Mathieu Kassovitz), l’intrigue se noue lentement et pourrait nous surprendre après les deux premiers épisodes d’exposition.
Afin de s’adapter à son nouveau mode de création, Eric Rochant s’est rendu sur le plateau de Damages aux Etats-Unis pour y apprendre la méthode de travail des KZK, aka les frères Todd et Glenn Kessler ainsi que Daniel Zelman, le troisième homme de l’affaire.
« J’ai tout copié de leur manière de faire: un seul et même endroit pour le plateau de tournage, le montage et la salle des scénaristes. Sur cette série, je suis à la fois auteur et producteur, je revendique donc le titre de showrunner. Ce qui veut dire que je chapeaute l’écriture mais que je suis aussi responsable de la façon dont la série se fabrique. Le grand défi est de parvenir à condenser le processus de production pour arriver à tout réaliser en un an. Il faut donc travailler avec plusieurs auteurs et plusieurs réalisateurs. Il y a tellement de créativité impliquée qu’il faut quelqu’un qui s’assure que tout cela reste bien dans le même cadre. »
Egalement présentée à Séries Mania en avant-première mondiale, la série False Flag tend, sur le même thème, un miroir déformant à Eric Rochant puisqu’elle imagine des citoyens lambdas soupçonnés à tort d’être des agents du Mossad.
Librement inspirée de l’assassinat du leader du Hamas à Dubaï en 2010, cette fiction qui relate, en 10 épisodes, l’enlèvement d’un politicien iranien à Moscou n’est pas attendue avant l’automne sur les petits écrans de Tel Aviv. Mais le premier épisode, présenté à Paris, incite grandement à ne pas la perdre de vue. La légende des espions n’a pas vécu.
KT, à Paris
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