Cette fois, les dés sont jetés.
Ce dimanche soir, AMC entame la 7e et dernière saison de Mad Men, son récit iconique.
Un ultime chapitre de la vie de Don Draper sur lequel Matthew Weiner, son créateur, a levé un coin du voile en notre compagnie.
Pour donner encore plus de retentissement à ce tome final, AMC a décidé de le délivrer en deux volets: une première partie, maintenant et une seconde… au printemps 2015. Comme elle l’a fait, l’an dernier, avec sa série Breaking Bad avec le succès que l’on sait…
Consigné à Los Angeles, où il veille aux derniers détails de son “œuvre”, Matthew Weiner, plutôt volubile, a répondu à quelques questions par téléphone. Sur un ton faussement serein.
“L’idée de la fin de n’est pas celle qui vous occupe l’esprit lorsque vous travaillez sur une série. Parce que la nature de la série est de se prolonger de semaine en semaine. Dès le départ, vous vous démenez pour proposer un épisode pilote qui vous permettra de raconter une histoire au long cours. La fin ne fait pas partie du processus. Au mieux, vous vous focalisez sur la fin de l’épisode hebdomadaire. C’est vraiment un nouveau territoire à explorer pour moi. Le plus dur a été d’affronter cette réalité. C’est beaucoup de pression. Même si le final de chaque saison est déjà une étape importante à franchir.”
Mad Men est votre première série en solo, après une participation à l’écriture des Soprano. Affronter la fin de l’histoire est donc une première pour vous en tant que showrunner. Vous diriez que cela vous a appris à…
Ça a été une expérience instructive pour moi de réaliser que le moment était venu où j’allais devoir quitter mes personnages pour toujours. Comme pour toutes les choses permanentes et effrayantes dans la vie, j’ai choisi de l’ignorer ou, du moins, de le mettre dans un coin de ma tête depuis quelque temps déjà. Sans cela, cela aurait été impossible de travailler. Mais comme Mad Men est une série inspirée d’une véritable expérience humaine, vous ne devez vous attendre à rien de spectaculaire pour la fin. Aucune révélation d’un grand mystère. On n’est pas dans « Lost ».
Pour moi, l’important est que nous puissions finir le mieux possible ce voyage que nous avons entrepris avec les personnages. Que tout cela ait un sens. D’autant que vous savez que, plus tard, les gens qui décideront de regarder la série seront influencés par cette fin, avant même de commencer à regarder la série. D’où l’importance de proposer un récit cohérent. Et tous les scénaristes qui disent qu’ils savent exactement comment faire et ce qu’ils vont ressentir à la fin sont des menteurs.
Quels objectifs vous êtes-vous fixés pour la fin du voyage?
Je veux atteindre une conclusion satisfaisante à mes yeux. Et, en même temps, je souhaite que le public continue à s’interroger sur sa propre vie dans un espace, celui de la série, qu’ils trouvent à la fois intéressant et excitant. Mais surtout, je veux être honnête vis-à-vis de chaque personnage. Terminer l’histoire de manière telle qu’ils soient indemnes dans l’imagination des gens. J’espère survivre émotionnellement à cette expérience très particulière qui est aussi une grande première pour moi. J’espère m’en sortir dignement.
Don Draper semble poursuivi par son passé et incapable de s’en échapper, quel que soit le succès qu’il rencontre.
J’ai vraiment essayé de ne pas avoir un jugement moral sur mes personnages: Don, Peggy ou n’importe qui d’autre. Mais plutôt d’envisager cela comme l’expérience unique d’un être humain qui a vraiment eu une enfance nettement plus dramatique que bien d’autres et qui tente de trouver son chemin. La capacité de changer est vraiment l’une des questions majeures posées par la série. Et aussi le fait que ce que vous ressentez correspond rarement à la façon dont vous êtes perçu de l’extérieur. Mais je n’émets pas de jugement à ce sujet et je préfère que chacun se fasse sa propre opinion.
Les changements de l’époque (fin des 60’s) ont aussi un impact sur Don Draper…
Nous sommes tous affectés par les changements sociaux, c’est une partie importante de l’histoire que nous racontons dans “Mad Men”. Don est un homme qui passe un certain cap de l’existence (la quarantaine) et qui a déjà eu pas mal de problèmes précédemment (aventures, divorce, etc.) Sans oublier ses abus de substances en tous genres. Une grande partie de ce que raconte cette série est à quel point il est difficile de devenir quelqu’un. Et que chacun rencontre un grand nombre de défis. Don a eu une vie bien plus dramatique et intéressante que nombre d’entre nous, sans cela, ce ne serait pas la peine de la raconter. La question essentielle est de déterminer si c’est le contexte ou sa nature profonde qui affecte Don. Et la façon dont il tente de répondre à cette question est fonction de son âge et de son vécu…
Le fait que Don Draper, comme Walter White de Breaking Bad, a caché sa véritable identité explique-t-il le succès de ces deux séries?
C’est intéressant parce que les gens comparent souvent les deux séries et jusqu’ici je ne leur trouvais que peu de points communs. Mais celui-ci en est assurément un. Je pense que c’est un fantasme répandu de trouver sa vie peu attractive. Souvent on se demande si ce ne serait pas fantastique d’avoir un alter ego avec plus de prestige, plus de pouvoir… Le fait d’être secrètement quelqu’un d’autre (Superman ou Walter White) est un ressort scénaristique très ancien.
Parce que notre identité est celle que nous renvoie le monde extérieur. Nous devenons ce que nous faisons (notre job), l’endroit où nous vivons (nationalité) et même ce que nous mangeons. Même si tout le monde sait que l’image que vous renvoyez n’est pas forcément ce que vous êtes à l’intérieur et c’est la grande question que pose cette série à travers le personnage de Don Draper.
Walter, comme Don, a dû changer d’identité pour survivre. C’est un mythe encourageant même si cela peut faire de vous un criminel. Je pense que plus on vieillit, plus on réalise qu’on ne devient la personne que l’on souhaite que si on a beaucoup beaucoup de chance. Mais l’idée, que ce que vous êtes peut être totalement changé, est aussi très excitante et est à la base même de la fiction ou du divertissement.
Entretien: KT
nb: si la saison 7 démarre ce dimanche sur AMC, la saison 6 est attendue samedi 19/04 à 20h45 sur Be Ciné.
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