Poste d’observation avancé de la création, en général, les festivals offrent un effet de loupe bienvenu tout en permettant de prendre le pouls d’un secteur.
C’est particulièrement vrai pour le Fipa de Biarritz qui s’intéresse à tous les genres télévisés (fictions, documentaires, reportages, séries) issus de vastes horizons (européens et extra-européens) sans oublier la création destinée au web (cf. note précédente).
Mais une fois les prix gagnés qu’advient-il des films primés? Et quels enseignements peut-on en tirer?
Classées en tête de la catégorie séries, on a retrouvé cette année une série danoise (Arvingerne, cf. photo) et une série britannique (Peaky Blinders), reflets de la créativité et de l’indépendance de ces deux territoires, phénomène constaté depuis quelques années déjà. Avec deux prix pour « Arvingerne » (Fipa d’Or et meilleur scénario) et trois pour « Peaky Blinders » (meilleure interprétation féminine, meilleure interprétation masculine et meilleure musique originale), elles ont véritablement fait main basse sur le palmarès 2014.
La première, signée par Pernilla August, scrute le fonctionnement d’une famille atypique au moment de la disparition de la matriarche, une plasticienne de génie à la carrière internationale, mère de quatre enfants nés de trois hommes différents. Une situation qui va singulièrement compliquer les questions de succession au moment de son décès. D’autant qu’il règne un flou résolument « artistique » sur l’état de son patrimoine immobilier et mobilier (ses oeuvres d’art).
La seconde série, créée par Steven Knight, scrute les combines et coups d’éclats d’un gang irlandais qui tente de s’imposer dans la petite ville de Birmingham, juste après la Première guerre mondiale.
Un clan qui tire son surnom des lames de rasoir qui ornent leurs casquettes (cf. photo).
Quel avenir pour ces deux oeuvres?
Borgen, on s’en souvient, a connu un formidable succès international après avoir reçu un Fipa d’or en 2011 à Biarritz, il pourrait donc en être de même pour Arvingerne (« The Legacy » en version internationale). Pour peu que quelques diffuseurs avisés se penchent sur la question.
On sait la frilosité des diffuseurs européens face aux oeuvres britanniques, dont la popularité permet rarement de rivaliser avec les Américains, mais dont la qualité est souvent sans commune mesure avec les pupilles de l’Oncle Sam.
L’an dernier, le caractère trash d’Utopia, primée à Biarritz, a sans doute freiné pas mal d’enthousiasmes mais Peaky Blinders sous ses airs de voyou, ne manque ni de séduction, ni de caractère. Le regard mélancolique et délavé de son leader charismatique, Thomas Shelby, a déjà fait craquer Arte qui s’est empressée d’annoncer qu’elle diffuserait bientôt la série.
Comparée par le «Times» aux Soprano et à « Gangs of New York », elle nous a surtout rappelé certains aspects de Boardwalk Empire avec son chef de gang qui fait le parcours inverse à celui de Nucky Thompson. A savoir qu’il tente de sortir de la clandestinité et des coups montés pour offrir un statut social et une certaine respectabilité à son clan. Un polar porté par l’électrisant Cillian Murphy, visage tranchant et regard d’acier, opposé au sombre Sam Neil.
A cela s’ajoutent 2 mini-séries, reprises dans la catégorie Fictions du Fipa.
3 x Manon de Jean-Xavier de Lestrade, couronnée du Fipa d’Or, démontre que la fiction française peut toucher à l’excellence lorsqu’elle s’empare avec détermination de sujets singuliers. Ici, l’histoire d’une ado de 15 ans instable et agressive qui se retrouve en centre éducatif fermé (photo).
Cette mini-série en trois volets – un format très prisé par les Anglais – prouve que la force d’un récit réside aussi dans l’absence de compromis sur la forme et sur la longueur. Cinéaste confirmé venu du documentaire, de Lestrade séduit par le caractère percutant et réaliste de son propos, une autre caractéristique des séries d’aujourd’hui. Produite par Arte, sa diffusion est assurée.
Même rythme et même succès pour The Politcian’s Husband, mini-série en trois volets lancée par BBC2 en mai dernier. Créée par Simon Cellan Jones sur un scénario de Paula Milne, elle évoque les démêlés privés et professionnels d’un couple de politiciens lorsque le mari doit céder la place à sa femme, mieux placée au sein du gouvernement. Après Borgen, Boss, The Newsroom ou House of cards, voici une preuve supplémentaire de l’attrait du petit écran pour les intrigues politiques. Portée par David Tennant et Emily Watson (Fipa d’or de la meilleure interprétation féminine), la série trouvera-t-elle un diffuseur outre-Manche? L’espoir est de mise.
KT, à Biarritz
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