Avant de vous laisser sur la route de l’été, on s’en voudrait de ne pas attirer votre attention sur une autre curiosité de ce mois d’août. Une série rediffusée par Arte à un horaire singulier (du 5 au 8 août à 13h35), mais qui vaut assurément le détour.
Proposée à l’été 2011, la voici de retour en 2013 pour enchanter l’heure de la sieste mais, bien sûr, un simple enregistrement permet d’en profiter à toute heure.
Des images magnifiques, une Afrique rurale et paisible, où les mystères à résoudre n’excèdent pas l’usurpation d’identité, le vol, l’adultère ou l’arnaque à l’assurance, un générique façon BD, à chaque fois renouvelé, des tissus chatoyants et une bande-son au diapason : L’Agence n°1 des dames détectives***, c’est d’abord un enchantement des sens, sorte de madeleine savoureuse et réconfortante. A l’image de son héroïne, Precious Ramotswe, femme souriante et généreuse, pleine d’humanité et de bon sens, incarnée par la somptueuse Jill Scott, diva de la soul.
Sans surprise, le personnage a été créé par un grand admirateur de l’Afrique, Alexander McCall Smith, écrivain et juriste d’origine écossaise, surtout connu pour ses romans policiers. Et il a été transposé à l’écran par Anthony Minghella, couronné pour son film « Le Patient anglais » (1996), qui est né et a vécu au Zimbabwe, pays auquel il est resté très attaché.
Au départ, Minghella souhaitait en faire un projet pour le cinéma mais c’est finalement le petit écran (coproduction HBO – BBC) qui a accueilli cette ode à l’Afrique australe. Bien lui en a pris puisque « L’Agence
n°1 des dames détectives » a connu un vif succès lors de sa diffusion aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, comme les six épisodes qui l’ont suivi. Succès posthume pour Minghella qui décéda brusquement en mars 2008.
Après un pilote (1 h 44) qui prend tout son temps (et tout son sens) afin d’installer les futurs protagonistes, on entre de plain-pied dans six enquêtes (en 52 minutes) qui se font les chantres de la femme africaine courageuse et indépendante. Depuis sa tendre enfance, Precious Ramotswe a en effet été formée à ne rien perdre de ce qu’elle voyait, entendait ou apprenait ; des qualités qui se révèlent indispensables le jour où, orpheline, elle décide d’embrasser son destin : ouvrir la première agence de détectives féminines du Botswana.
On pourrait dire de la série qu’elle marie la tradition du conte à la série policière à l’ancienne, façon Miss Marple, et qu’elle est à l’Afrique ce que Barnaby est à la campagne anglaise : un enquêteur bienveillant et un peu vintage. Comme Miss Marple, Mma Ramotswe n’est en effet pas loin de penser que presque toutes les difficultés peuvent se régler autour d’une bonne tasse de thé (du rooibos). D’ailleurs la question n’est pas tant de traquer les truands que de régler les différends entre voisins.
En cela, « L’Agence n°1 des dames détectives » s’apparente plus à une leçon de vie qu’à un suspense trépidant. L’ambition de Mma Ramotswe est d’aider son prochain et de ramener la paix au sein de la communauté. Pragmatique, optimiste et courageuse, cette femme voluptueuse est en outre dotée d’une intuition très fine et d’un précieux sens de l’observation. Son attitude respectueuse à l’égard des gens imprègne la série, première grande production cinématographique et télévisuelle du Botswana, même si ses acteurs viennent de divers horizons.
Pas de crimes de sang ou de courses-poursuites. Ici, on est loin de la violence des grandes villes et des townships, c’est l’Afrique rurale qui se donne à voir avec ses traditions (bonnes ou mauvaises), ses richesses et ses travers. Un cadre plutôt prospère et pacifié, loin des images d’Epinal. Cette Afrique-là existe aussi et mérite d’être montrée, région où les traditions et les relations proches ont conservé toute leur importance mais qui n’est pas épargnée par des maux endémiques (alcoolisme, sida, violence conjugale) ou ancestraux (sorcellerie, superstitions et magie noire).
Plutôt bon enfant, la série souffre de sa version française qui contrefait, par moments, l’accent du Botswana de façon assez caricaturale. Mais cet écueil ne parvient pas à masquer l’humour et la grande sensibilité qui mènent ces intrigues, ni les personnalités riches et attachantes qu’elle met en avant: Mma Ramotswe, morceau de tendresse dans un monde de brutes ; Grace Makutsi, sa secrétaire-assistante psychorigide ; JLB Matekoni, mécanicien et amoureux transi, qui ne sait comment trouver le chemin du cœur échaudé de la détective, sans oublier l’irrésistible BK, coiffeur gay pétri de bon sens et champion de la solidarité.
Au final, touché par cette petite musique inédite, on ne regrette qu’une chose : que la série se termine de façon aussi « abrupte » après seulement sept épisodes alors que la collection originale de romans proposait un univers bien plus étoffé (11 romans disponibles). Raison supplémentaire pour s’y plonger sans plus tarder.
KT
J’ai raté cette série en 2013, c’est dommage la façon dont le monde des détectives est décrit dans les séries et autres films m’intéresse particulièrement. Et dans un univers féminin ça peut changer un peu !
De plus, généralement, une série qui marche avec HBO c’est signe de bonne qualité. J’ai été particulièrement marqué par « The Wire » même si il faut un peu s’accrocher parfois.
En ce qui concerne la VF, ça ne m’étonne pas que ce soit une catastrophe : vive la VO ! 😉