De plus en plus de productions européennes jouent la carte multiculturelle au sein de leur casting et des équipes techniques. Alors, spécificité ou subterfuge ?
Nous en avons causé avec quelques acteurs et actrices présents à Monte-Carlo.
Jill Hennessy a décidé de répondre à l’interview dans un français pittoresque et chantant. Une façon pour elle de rester dans l’esprit du tournage de Jo qui lui a permis de renouer avec ses études de langue et Paris, qu’elle apprécie tant.
«C’était vraiment très gai et sans stress. Avec une équipe venue de toute l’Europe: Danemark, Pays-Bas, Italie, Allemagne. Le fait de vivre tous ensemble pendant quelques semaines à Paris a entraîné plus de convivialité et d’échanges. Alors qu’aux Etats-Unis, on est toujours pressé par le temps. J’aimerais trouver plus de travail en France car je trouve ces nouvelles coproductions plus intéressantes: à la fois réalistes et fascinantes, à cause de ce côté multi-facettes. Et j’ai trouvé cela très enrichissant de travailler avec la réalisatrice danoise»: Charlotte Sieling qui est aussi derrière la caméra de la fameuse série politique Borgen.
Pas sûr que TF1 exauce son voeu. La chaîne a en effet laissé entendre la semaine dernière que la série ne connaîtrait pas de saison 2. Ses scores d’audience, sur la fameuse ménagère de moins de 50 ans (cible privilégiée des annonceurs) ayant été jugés insuffisants.
Dans l’intervalle, la comédienne a de quoi s’occuper: elle est en plein mixage de son deuxième album qui sera disponible à l’automne. Et elle espère faire bientôt une tournée qui l’entraîne en France, en Italie, dans toute l’Europe…
Charmant, cet accent français isn’t it?
Grégory Fitoussi, acteur français plutôt occupé (Engrenages, Les hommes de l’ombre) a lui aussi été choisi pour son CV, son physique et son accent. A croire qu’il s’agit d’une véritable mode aujourd’hui.
Dans Mr Selfridge fiction bientôt diffusée en France, il incarne un concepteur de vitrines français devenu célèbre en Grande-Bretagne. Un rôle pour lequel il s’est inspiré de… son propre père, dont c’était le métier, et avec lequel il a pas mal travaillé lorsqu’il était plus jeune.
«Mon personnage était défini comme Français à la base. La productrice m’a choisi parce qu’elle était fan d’Engrenages (diffusé au Royaume Uni sous le titre: «Spiral», NdlR). J’ai pu travailler avec un coach, deux ou trois heures avant le début du tournage de chaque duo d’épisodes, mais pas plus car ils avaient peur que je ne perde mon accent. Alors que moi, je trouvais les leurs assez difficiles à comprendre»
L’accent (français ou autre) jadis tant décrié serait-il en passe de devenir le «petit truc en plus» incontournable ? On serait tenté de le croire en découvrant Crossing Lines, nouvelle série à visée internationale coproduite par TF1 et emmenée par Marc Lavoine et Donald Sutherland. Serait-ce une façon pour la France et l’Europe de marquer leur spécificité culturelle?
Une vision métissée et réaliste
L’idée n’est pourtant pas neuve et on connaît quelques expériences qui n’ont pas vraiment été couronnées de succès. Des entreprises qui tenaient plus du gloubi boulga que de la recette originale avec pointe de ceci ou zeste de cela.
Si, dans le cas de Crossing Lines, l’intention de départ se double d’une légitimité fictionnelle, avec des acteurs européens campant des personnages qui le sont tout autant, on ne peut pas en dire autant des « Borgia », « Tudor » et autres « Jo » qui ont souvent intégré des comédiens venus d’horizons multiples sans aucune justification autre que le cahier des charges de la coproduction internationale.
Au moins aujourd’hui, ces nouveaux projets ne cachent-ils plus leurs origines diversifiées et intègrent-ils des acteurs qui ont le profil de leurs personnages. A tel point que dans Crossing Lines, il a été bien précisé à chacun de ne surtout pas masquer son accent. Et on sent bien que l’acteur irlandais et la comédienne italienne (ici prise en photo avec l’acteur allemand Tom Wlaschiha, vu dans Game of Thrones) par exemple, s’en donnent à coeur joie.
«C’est le propos de cette série, insiste le producteur Edward Allen Bernero: que chacun soit bien porteur de sa propre culture. Nous voulions que ce soit le plus réaliste possible car moi-même j’ai été flic avant de devenir scénariste.»
Une question, pourtant, demeure: que restera-t-il de cette noble quête de diversité culturelle au-delà de la version originale (en anglais)? Choisira-t-on pour le doublage en français, en italien, en espagnol ou en néerlandais des acteurs «avé» l’accent pour respecter l’idée originelle? Pas sûr…
KT, à Monte-Carlo
Avis aux fans: TF1 rediffuse en ce moment même, le lundi vers minuit, la fameuse série «Crossing Jordan» (Preuve à l’appui) qui a rendu célèbre Jill Hennessy.
nb: le trailer de « Mr Selfridge » se trouve ici
l’anglais des français, le plus incompréhensible.
Le but de la parole n’est il pas de se faire comprendre ?