Farhad Safinia, ce nom d’origine iranienne n’est pas encore très connu mais vu le parcours de son « propriétaire », ceci n’est plus qu’une question de mois. Derrière ce patronyme se «cache» en effet un jeune scénariste à la fois chanceux et talentueux, car le talent est souvent source d’opportunités. Comme on a pu en prendre conscience ce jeudi soir lors d’une rencontre à Paris.
Dans son premier film en tant que coscénariste, « Apocalypto » (2006), il réussit à embarquer Mel Gibson. La chance du débutant? Pas vraiment. «J’avais quelques photos compromettantes de lui » lâche-t-il en riant. La vérité, c’est que Farhad Safinia avait rencontré Mel Gibson sur le tournage de «La passion du Christ» où il a travaillé en tant qu’assistant et que le courant est très bien passé entre ses deux « immigrants » en Amérique. Mel Gibson étant australien d’origine.
Pour sa première série, Farhad Safinia n’a eu recours ni au chantage, ni à la pression; son thème parle de lui-même et attise toutes les ambitions. Il réussit à convaincre le grand Gus Van Sant de prendre la caméra et Kelsey Grammer, connu comme amuseur extraordinaire dans la série « Frasier », de devenir un héros de tragédie dans la lignée du « King Lear » de Shakespeare.
Car c’est de cela qu’il s’agit dans la série Boss : d’un homme prêt à toutes les infamies pour garder et accroître son pouvoir. Une version sombre et sans pitié de la politique bien plus proche de House of cards que de The West wing.
Jeudi soir, Farhad Safinia était au Forum des Images à Paris pour ouvrir la session des master classes de la 4e édition de Séries mania. Un entretien vivant et détendu accordé au public parisien par cet auteur chaleureux et francophile, reflet d’un parcours de jeunesse très contrasté.
Né en Iran, Farhad Safinia a tour à tour grandi en France, puis à Londres. S’il fait ses études d’économie à Cambridge, il opte ensuite pour le cinéma à New York. Aujourd’hui, ce grand amateur de théâtre – comme l’est également Gus Van Sant – travaille principalement pour la télévision à Los Angeles sans renier aucune de ces autres passions qui guident et inspirent son travail.
Sur ce plan, la rencontre entre les deux créateurs semble avoir fait des étincelles avec des plans extrêmement construits (très cinématographiques et inventifs) et des dialogues (ou monologues) écrits et filmés comme de véritables joutes oratoires. Dans « Boss », Gus Van Sant filme à la fois le grandiose (la ville majestueuse et tentaculaire comme s’il s’agissait d’un décor d’opéra) et l’intime (les visages et les corps jusque dans les grimaces et les tourments de Kelsey Grammer, notamment), alternant les plans et les focales pour donner vie et rythme au récit.
«C’est une façon très esthétique de pénétrer l’intériorité des personnages, d’aller chercher, physiquement, leurs secrets, en rendant accessible au téléspectateur les sensations des personnages. C’est aussi un moyen de sous-entendre qu’ils s’observent entre eux, lisent le langage corporel de l’autre et tentent de deviner la vérité cachée derrière les mots qui sortent de leur bouche» analyse Farhad Safinia.
Enthousiaste, didactique et précis, le scénariste a offert un beau moment de transmission et de partage au public de Séries mania et ce, même si sa série n’est pas dans la meilleure position. Starz a en effet annoncé, fin novembre, son annulation au terme de sa deuxième saison. Malgré des critiques dithyrambiques, les audiences de « Boss » ont en effet été jugées insuffisantes.
Le créateur n’est visiblement pas prêt à jeter l’éponge et se bat, en ce moment même, pour obtenir le temps suffisant pour offrir une fin convenable à son récit. «Un téléfilm de deux heures ne suffira pas. Kelsey Grammer, Gus et moi sommes d’accord pour affirmer cela. Il faut terminer cela proprement sans frustrer les gens.»
A l’instar de son personnage principal, Farhad Safinia n’est pas prêt à renoncer. Son public non plus.
KT, à Paris
La présentation et le trailer de la série Boss se trouvent ici.
Le programme de Séries mania, qui se poursuit jusqu’à dimanche, est dispo là.
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