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real humans.jpgC’est une fable cruelle. Rien à voir avec le conte de fée supposé de la cohabitation harmonieuse entre hommes et robots. Avec cette nouvelle série suédoise, on est davantage dans le récit d’anticipation analysant nos questions et réactions face à une réalité inattendue et dérangeante. Comme ce fut le cas face aux dangereux Cylons de « Battlestar Galactica » ou, bien plus tôt, encore avec le mythe de Frankenstein. Sauf que Real humans*** postule une dimension supplémentaire: le «conflit des apparences» avec des êtres qui ne sont pas réellement ce qu’ils semblent être.

Dans ce proche futur imaginé par Lars Lundström, les hommes ont façonné les hubots à leur image dans le but avoué d’alléger leur quotidien: tâches ingrates et/ou répétitives, basses besognes ou lourdes charges. Supermarchés, entreprises, homes pour personnes âgées: les hubots sont partout et s’occupent de tout, supervisés par une poignée d’hommes seulement.
Un poids et une importance jugés exagérés par une frange de la population se déclarant hostile à la cohabitation avec les hubots et regroupée sous le sigle «100% humains» (d’où le titre originel: « Akta människor » en suédois).

Au contact de leur hubot personnel, certaines personnes ont développé de véritables liens affectifs, entraînant des questionnements sur la pauvreté des relations humaines et la solitude des êtres, mais aussi sur les limites de la liberté de chacun et le «respect» dû à ceux qui sont devenus de précieux auxiliaires du quotidien.

Or, un homme, David Eischer a développé un programme permettant d’accroître les capacités sensorielles et cognitives des hubots, sorte de réalité augmentée leur permettant d’adopter un comportement «presque» humain. Et d’effacer toujours plus les différences essentielles entre l’homme et la machine. Dotés le plus souvent d’un physique cloné sur celui de Ken ou de Barbie, ces hubots – qui ne se résument pas à l’idée du preux chevalier ou de la sage jeune fille – interrogent d’autant plus les limites et les contours de notre humanité.

« Je ne suis pas un numéro »
Surprenante et complexe, parfois inégale sur la longueur, cette série n’essaie pas de nous vendre l’illusion d’un futur forcément meilleur. Au contraire, elle sonde des questions telles que la liberté mais aussi l’exploitation de l’homme par la machine et vice-versa, dès lors que l’on se met à douter de l’inhumanité des hubots.

Excellant à instiller le doute et le malaise dans les esprits, «Real humans» déshabille une société emplie de contradictions et de faux semblants, gouvernée le plus souvent par la peur et/ou les fantasmes, mais dévoilant parfois aussi une réalité franchement sordide. Où l’on perçoit les limites du libre arbitre: ces hubots censés être «utiles» et rassurants, sont en fait plutôt inquiétants. Car parmi les «affranchis», la révolte gronde… Les poussant à réclamer leur autonomie et à clamer leur refus d’être considérés comme des numéros.

Une fois de plus, c’est Arte qui permet de découvrir cette belle trouvaille venue du Nord. Après les excellents précédents constitués par la série politique Borgen ou les thrillers policiers The Killing, « Lilyhammer » et Bron, cette nouvelle série démontre que la créativité scandinave est résolument sans oeillères. Une saison 2 de « Real humans » est d’ailleurs en cours de développement pour une diffusion prévue en octobre prochain en Suède.

En attendant demain soir, on peut déjà trouver sur www.arte.tv/realhumans, l’interview du créateur de la série, une histoire du robot à travers la littérature et le cinéma (« Matrix », « Terminator », « 2001, l’odyssée de l’espace », etc.), quelques vidéos exclusives et des portraits des divers robots qui peuplent la série. Cap ensuite sur les 10 épisodes à suivre du 4 avril au 2 mai, le jeudi à 20h50.
KT

mise à jour (31.08): « Real Humans » a été renouvelée pour deux saisons supplémentaires. La saison 2 sera diffusée dès le 1er décembre sur la chaîne SVT1. Un troisième round d’observation, des relations entre humains et robots, est en cours d’écriture pour une diffusion prévue en 2015.