L’ histoire se déroule dans un futur proche. Florian Bassot (Alexis Loret), ébéniste sans histoire, sombre dans le coma après un banal accident en mer. Sa femme, Sophie, ne peut se résoudre à le perdre car la science offre désormais la possibilité de prolonger la vie de ceux qu’on aime. Une molécule permet en effet de séparer l’esprit d’un patient de son corps défaillant et de le greffer dans le corps d’un autre (préalablement déclaré en mort cérébrale). Or Sophie (Toinette Laquière) est la nièce du professeur Michel Delattre qui a mis au point ce procédé baptisé Transferts**.
Cinq ans plus tard, au terme d’un long coma, l’esprit de Florian, tendre père de famille, est donc transféré dans le corps du capitaine Sylvain Bernard (Arieh Worthalter), un flic plutôt carré et réputé explosif en intervention. À son réveil, l’homme habite le corps de Sylvain mais ses souvenirs sont ceux de Florian. Et tout le monde ignore ce qu’il en sera de ses capacités physiques… Or Sylvain travaille au sein de la Bati, la Brigade d’action chargée de traquer les transférés illégaux. Ce qui ajoute au trouble de Florian, esprit humaniste patenté…
Pour ce rôle ambigu ancré aux frontières du réel, le Belge Arieh Worthalter a été récompensé lors du Festival Séries Mania 2017, Transferts a également été couronnée meilleure série française. Arte entame le voyage ce jeudi à 20h55 pour trois épisodes à la suite, l’entièreté de la saison (6 épisodes) est dispo sur le site d’Arte.
Mais depuis deux ans, le transfert a été déclaré illégal. D’une part, parce que l’appât du gain a perverti ce type de transaction et entraîné nombre de trafics. D’autre part, parce que dans certains cas, la greffe du corps et de l’esprit ne prend pas, entraînant violences et schizophrénie chez les patients devenant des criminels en puissance.
Semblant plus réfléchi et plus posé à l’issue de son « opération », le comportement de Sylvain entraîne bientôt la suspicion de ses collègues de la Bati. Béatrice, sa collègue et maîtresse occasionnelle, décèlera-t-elle le transfert qu’il a subi ?
Un profond questionnement éthique
Les ficelles du premier épisode de Transferts sont, par moments, épaisses mais la narration mène ensuite le « flow » malgré les quelques obstacles qui jalonnent la route. Transferts n’est donc pas un long fleuve tranquille et il faut parfois s’accrocher pour ne pas perdre le fil de l’histoire mais le voyage en vaut la chandelle que l’on soit, ou pas, fan de science-fiction à la base.
La série soulève des questions essentielles et passionnantes qui pourraient bien être au cœur des recherches de demain: cerveau reptilien, comportements fantômes et résurgence de la personnalité. Définition de la conscience et de l’identité, transhumanisme et immortalité. Intelligence artificielle et marchandisation des corps, montée en force du religieux… Une grande variété de thèmes et de questions spirituelles ou éthiques qu’elle traite parfois de façon trop mécanique au risque d’aligner les clichés sur les médecins démiurges et les prêtres assoiffés de pouvoir. Au fil des épisodes, pourtant, sa réflexion s’affine, soutenue par une interprétation de premier plan.
Un casting convaincant
Sacrée meilleure série française lors du Festival Séries Mania 2017, Transferts a vu son interprète principal, le Belge Arieh Worthalter, récompensé du prix de la meilleure interprétation masculine. Il n’est pas seul à donner toute sa dimension à ce conte futuriste et cruel en 6 épisodes. Toinette Laquière (Sophie) et Brune Renault (Béatrice) sont très justes dans leurs interprétations vacillantes et que dire de la redoutable Liza (Pili Groyne) alias Woyzeck ?
Dans l’ensemble, le casting est redoutable d’efficacité : Xavier Laffite, Juliette Plumecocq-Mech, Patrick Raynal, Thierry Frémont. Cette intrigue parfois trop explicative (et bavarde) n’est pas sans faille, mais les questions qu’elle soulève, s’imposent avec force. Tous contribuent à la densité de ce drame aux entrelacs complexes, aux contours parfois brumeux et aux pans vertigineux.
Mention particulière pour le père Luc et le candidat Volber (Sébastien Chassagne) qui surfent comme des pros sur la peur de la population vis-à-vis des transférés, rendant particulièrement crédible ce futur placé sous haute surveillance.
Karin Tshidimba
Commentaires récents