Dans l’attente des douze coups de minuit, les souvenirs se bousculent et les visages défilent devant nos yeux. Des visages familiers et d’autres, fictifs, qui ont pourtant su se montrer si proches, si touchants, entrant en résonance d’une façon ou d’une autre avec ce que nous vivions ou avec l’époque que nous traversons.
C’est le cas, cette année encore où 409 séries, rien qu’aux Etats-Unis se sont présentées face à un public de plus en plus volatil et exigeant, entraînant leur lot d’adhésion, de rejet mais aussi d’indifférence. En attendant de voir ce que les premiers jours, riches et variés, de 2016 nous réservent et le verdict des Golden Globes, dernier coup d’oeil sur ces histoires et ces personnages qui ont peuplé nos pensées et parfois, même, nos rêves en 2015.
L’art des adieux
Difficile de mettre la barre plus haut que Justin Theroux (photo ci-dessus) et Liv Tyler dans The Leftovers. Plus qu’une série HBO, une expérience émotionnelle forte qui pose des questions sur la vie, la mort, le deuil et les liens que l’on entretient, au-delà des mots. La saison 2 surpasse encore en intensité la saison 1, fait suffisamment rare pour être souligné. Tirant les leçons de la fin décriée de Lost, son papa, Damon Lindelof, réussit avec son coauteur Tom Perrotta, un série initiatique qui surprend à chaque instant et flirte avec les limites du réel. Une brillante réussite, mariant la forme et le fond, esthétique (image et bande son) et réflexion ésotérique. Basée sur le roman original «Les disparus de Mapleton», cette fable impose ses personnalités (Amy Brenneman, Ann Dowd et Christopher Eccleston) et ses images fortes comme autant de jalons d’une histoire qui nous dépasse.
On pensait en avoir rêvé plus de mille fois, pourtant les adieux de Don Draper ont surpris et désarçonné une partie de ses fans les plus fidèles. Joli clin d’oeil de Matthew Weiner, son créateur, à la bande d’advertisers régnant sur Madison Avenue.
La saison 7 de Mad Men, est restée égale à elle-même – fine, élégante et intelligente – tout au long de son dernier parcours, offrant à chaque personnage une fin à la hauteur de ses moyens.
Un final plein de sagesse et de sérénité ? C’est aussi ce qui caractérise la fin de parcours des 4 jeunes séminaristes imaginés par Rodolphe Tissot pour Arte. La saison 3 d’Ainsi soient-ils a aussi prouvé qu’une série française pouvait choisir de s’arrêter au meilleur moment.
Soupçons et tensions
Les trois séries suivantes ont parfaitement su entrer en résonance avec les temps bouleversés que nous traversons en mettant en scène certaines craintes (politique-fiction), certaines peurs (tensions sociales et raciales) et certaines questions qui secouent la société tout entière.
Ce fut le cas d’Occupied, série norvégienne de haut vol qui marie géopolitique, politique fiction et thriller écologique au coeur de l’Europe. Ou comment la Russie décide d’envahir la Norvège avec l’assentiment de l’Union sur fond de tensions et de crise énergétique. Une découverte signée Arte.
Même cas de figure avec American Crime, une banale affaire de meurtre dévoile les tensions raciales latentes dans une petite ville du Sud des Etats-Unis. Une série ABC, proposée sur Be TV, où brillent deux actrices incandescentes: Felicity Huffman et Regina King (photo).
Enfin, personne n’a oublié le choc de la découverte de Transparent ou comment Mort (Jeffrey Tambor) décide de devenir Maura à l’heure de partir à la retraite, prenant de court toute sa famille. La série, produite par Amazon, décrit le séisme créé par cette révélation dans la vie de ses proches.
Les ombres de l’Histoire
Relire l’Histoire à la faveur des séries, c’est tout de suite beaucoup plus instructif et agréable. On avait déjà pu le constater avec les troublants gangsters de Boardwalk Empire et les mauvais garçons de Birmingham, surnommés les Peaky Blinders (photo). Chacun à leur façon, ils ont permis de relire l’histoire de villes célèbres qui ont marqué le Siècle.
Deux autres séries se sont imposées aux amateurs du genre, sur des pans d’Histoire très différents. Le début du 20e siècle, avec The Knick et les années 80 avec Show me a hero. Dans les deux cas, comme dans celui de Peaky Blinders, ces récits sont sublimés par une bande son expressionniste et décalée, ce qui fait tout son charme.
Avec The Knick, Steven Soderbergh et Clive Owen explorent les débuts de la chirurgie à New York en 1900, sur fond de tensions raciales et sociales. Une série HBO qui ne cache rien des pratiques franchement limites (drogues, préjugés, passe-droits) des premiers grands praticiens américains. Où l’on voit que les Etats-Unis se sont bâtis sur un terreau plutôt désuni et inégalitaire.
Avec Show me a hero, autre série HBO, le constat est semblable mais, dans la série de David Simon, les tensions se cristallisent autour de la construction de logements sociaux. Comme si l’Histoire était condamnée à se répéter.
Femmes de caractère
On l’a souligné avec American Crime, certaines héroïnes ont littéralement dopé l’année par leur seule présence au générique d’une série, c’est le cas de Frances McDormand dans Olive Kitteridge et de Krysten Ritter dans Jessica Jones (Netflix) aucune de ces deux histoires ne serait rien sans leur interprète principale qui confère au récit une densité dramatique unique.
Enfin, qui dit série marquante ne dit pas forcément ambiance morose, la preuve avec la création de Fanny Herrero qui joue à fond la carte de l’autodérision et prouve que les femmes ne sont pas seulement de bonnes tragédiennes.
Dix pour cent a en effet démontré qu’une série française pouvait tenir ses promesses d’humour et de satire dans les coulisses du cinéma français, un fait rarissime qu’il convient de souligner.
Produite par France 2, elle a mis en avant les talents de Camille Cottin et Grégory Montel (à gauche sur la photo), surtout, mais aussi d’un tas de guests franchement balèzes, principalement des comédiennes d’ailleurs: Cécile de France, Julie Gayet, Audrey Fleurot, Line Renaud…
KT
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