p'tit quinquin.jpgVous aimez les farces? Et les farces grotesques, pleines de tics et de bassesses, d’esprits chafouins et de crimes granguignolesques, le tout nappé d’un soupçon de tendresse ?
Alors avec P’tit Quinquin, la série signée par Bruno Dumont, vous allez être servis. C’est du Boulonnais pur souche, comme le cinéaste français les aime avec des accents qui roulent et qui râpent – pas juste quelques pointes pour faire joli -, des personnages déjantés et des physiques de foire, de vrais gens captés dans leur monde qui est aussi celui que le créateur aime tant: son Nord-Pas-de-Calais, entre mer et campagne.

Ce jeudi à 20h50, Arte entame la diffusion de la série imaginée spécialement pour elle: une enquête policière en 4 volets. Un événement qui a eu les honneurs de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en mai dernier. Notre collègue Alain Lorfèvre y était pour découvrir les aventures de ces Pieds nickelés de la Côte d’Opale. Récit.

On ne s’attendait pas à rigoler à gorge déployée lors de la projection d’un film signé Bruno Dumont. Oui, Bruno Dumont, le réalisateur de “La vie de Jésus” (1997), de “Flandres” (2006) ou de “Hors Satan” (2011).
Auteur radical, Bruno Dumont a répondu à la demande d’Arte de signer une série télévisée. Un motif d’étonnement auquel nous répondait le réalisateur en marge de la Quinzaine des Réalisateurs, à Cannes, en mai dernier : « Ils m’ont proposé de réaliser une mini-série de quatre fois 52 minutes. C’était la seule contrainte. Et comme il y avait longtemps que j’avais envie de faire une comédie, j’ai écrit un projet en ce sens. »

P’tit Quinquin*** débute comme la chronique rurale d’une sombre enquête policière : on retrouve le corps décapité d’une femme dans le ventre d’une vache, elle-même retrouvée au fond d’un bunker inaccessible. Quand les deux flics chargés de l’enquête s’emmêlent les pinceaux au propre et au figuré et atterrissent les quatre fers en l’air, le ton est donné : c’est les Monty Pythons à “Twin Peaks” (pour filer la référence télévisuelle), Blake Edwards chez les Dardenne (pour rester au cinéma). Le tout observé par une bande de canailles des campagnes, Ch’tis galapiats qui balancent des pétards sur les touristes ou assènent des injures racistes aux garçons basanés.

p'tit quinquin 1.jpegBruno Dumont explique ce passage à la comédie par “l’envie de passer de l’autre côté” après être allé “loin” dans le drame. “Mais je me suis longtemps demandé quelle comédie faire. Quand je voyais les comédies existant sur le marché, je n’avais pas du tout envie d’aller vers ça. Jusqu’à ce que je réalise que la comédie était pratiquement sous mes pieds. Il se passait souvent des choses drôles sur mes tournages, par exemple lorsque les acteurs se trompaient, se déréglaient. Le drame était souvent la source du comique. Dès lors, j’ai pris soin d’écrire un drame – car “P’tit Quinquin” est d’abord une enquête policière très sombre. Le sombre offre une alternance au rire et au burlesque.”

Ce qui n’empêche pas le réalisateur de rester dans ses marques : la région boulonnaise dans le Pas-de-Calais, mise en scène naturaliste, comédiens non professionnels, dont le surprenant Bernard Pruvost, jardinier dans la vraie vie, “commandant” de la gendarmerie nationale à l’écran qui tient plus de Buster Keaton que de Maigret.
“J’aime le comique de Max Linder, de Laurel et Hardy, de Tati ou de Blake Edwards. Mais je ne voulais pas refaire ce qu’ils ont fait, et très bien. Il s’agissait de trouver mon comique à moi, de me parodier, en fait […] Ce qui est intéressant dans le comique, c’est qu’il est de l’ordre de la transgression. Ce qui en fait de l’art, puisque tout art est transgression. Il y a de la philosophie dans le comique.”
A.Lo., à Cannes

Les deux derniers épisodes seront proposés jeudi prochain.
Besoin de vous faire une petite idée? Le trailer, assez explicite, était déjà dispo ici

mise à jour (19/09): Excellent démarrage pour P’tit Quinquin, la série événement de Bruno Dumont diffusée jeudi soir sur Arte. La série réalise même un record d’audience avec 1,5 million de curieux venus suivre les deux premiers épisodes de son enquête macabre et décalée.

mise à jour (24.07.2017): Bruno Dumont tourne en ce moment la saison 2 des aventures de ses enquêteurs fantasques, baptisée “Coin Coin et les Z’Inhumains”. On y retrouve P’tit Quinquin surnommé “Coin Coin” et les inspecteurs Roger Van der Weyden et Rudy Carpentier ; tous les trois sont embarqués dans une aventure policière au parfum existentiel… Les 4 nouveaux épisodes, produits par Arte, seront tournés jusqu’au 15 septembre sur la Côte d’Opale.