breaking bad 4.jpgExcellente pioche en cette édition 2013 ! Pour Deauville Saison 4, son week-end consacré aux séries, le Festival du cinéma américain accueillait Vince Gilligan, créateur de la fameuse Breaking Bad.
Célèbre, la série l’est à double titre puisque sa fin prochaine* (programmée dans 3 semaines) mobilise les critiques et les fans.
En outre, on vient d’apprendre qu’elle allait entrer dans l’édition 2014 du Guiness Book des records. Pas dans une catégorie folklorique mais bien avec le titre très enviable de «série la plus appréciée par la critique» avec un score de 99/100 récolté sur le site Metacritic.com. Du jamais vu.

Un concert de louanges devant lequel Vince Gilligan garde la tête parfaitement froide. Modeste, il a d’ailleurs souligné tout ce qu’il doit à ses maîtres: Chris Carter et Frank Spotnitz avec lesquels il a travaillé durant 7 années sur X-Files, maîtresse ès science-fiction. Une collaboration qui est le socle d’une solide amitié puisque l’on a pu voir chaque membre du binôme (Frank Spotnitz – Vince Gilligan) venir assister au débat auquel était convié l’autre, à Deauville.

*Une ultime saison proposée à partir du 4 octobre sur Be séries.

«J’ai beaucoup appris en intégrant l’équipe de X-Files mais je suis resté un fan des films dont les ressorts ne reposent pas sur le langage parlé. La plupart des très grandes scènes de films se passent de mots. Lorsque les émotions ne sont pas verbalisées, elles sont d’autant plus fortes et universelles. C’est une vérité que j’ai découverte sur X-Files. Je me souviens que Frank demandait souvent: quel est l’élément visuel de cet épisode ? Quelle est la première image que va découvrir le téléspectateur ? C’était LA question qu’il posait lorsque nous nous réunissions. Cela m’a beaucoup influencé » confie Vince Gilligan.

breaking bad 2.jpgEn faisant cela – chercher l’accroche visuelle des quatre grandes séquences qui composent chaque épisode – «je ne tiens pas à marcher sur les plates-bandes du réalisateur. Mais bien à lui donner les éléments sur lesquels appuyer son travail. Ce n’est pas que je sois un maniaque des détails mais c’est ce qui fait la personnalité et l’identité d’une série.»

«C’est très immodeste de dire cela, mais j’ai aussi pensé à Kubrick qui disait notamment à propos de « 2001, l’Odyssée de l’espace »: ce qui compte c’est le spectacle. Et il ajoutait: un film c’est 6 ou 8 scènes insubmersibles, qui ne plongeront jamais dans l’oubli et se passent le plus souvent de commentaires. Cela m’a beaucoup inspiré.»

Bryan Cranston, acteur sublime

Dans la foulée, Gilligan rappelle aussi tout ce que sa série doit à «l’incroyable talent» de Bryan Cranston, «acteur puissant, dramatique, effrayant et drôle» qu’il voulait absolument à ses côtés pour camper le personnage de Walter White. «J’ai connu une période d’errance et d’échec entre X-Files et Breaking Bad, j’ai d’ailleurs failli tout arrêter.» Et, aujourd’hui, grâce «à cet acteur exceptionnel» son rêve de série est devenu réalité.

Pourtant; il n’en menait pas large lorsqu’il a présenté l’idée de sa série chez Sony Pictures. «J’étais en sueur car je ne suis pas un performer et je sentais bien que l’idée de ce prof de chimie qui, apprenant qu’il a un cancer, se transforme en dealer de drogue, était compliquée à faire passer. A la fin, ils ont d’ailleurs confirmé mon impression: «ce n’est pas une idée facile à vendre mais elle est intrigante». Arrivés chez le boss, nous nous sommes entendus dire que «c’était l’histoire la plus sordide et la plus improbable qu’on pouvait imaginer pour une série». Aujourd’hui, encore, le patron de Sony a l’honnêteté de dire qu’il nous a donné son feu vert mais qu’il n’était pas emballé par l’idée. Par miracle, la chaîne AMC a dit « oui » au projet. Il y a toujours un élément de chance qui entre en ligne de compte. Il faut beaucoup de courage et de persévérance avant d’arriver au moment de l’Eureka. »

Deux principaux composants: rage et détermination

L’idée de départ de Breaking Bad ? Prendre un homme ordinaire, parfaitement banal que personne ne remarque et que ses élèves humilient même pour en faire un vrai « bad guy ». «Walter White se transforme en Scarface grâce à sa détermination et à sa rage. Les détails de la série sont le résultat d’une véritable alchimie au sein de l’équipe, insiste Vince Gilligan. Souvent nous ne savions pas comment nous allions y arriver. On a avancé à tâtons. On a pu faire aboutir cette idée qui nous hante depuis le départ: pourquoi les gens continuent-ils à regarder cet homme qui est sans doute l’ultime bad guy ? Au début, quand je commençais à y réfléchir, j’en perdais le sommeil. J’avais très peur que le public le déteste et lâche la série. Je suis d’ailleurs très étonné de voir à quel point le public le soutient alors qu’ils blâment sa femme qui tente désespérément de le ramener dans le droit chemin. »

« J’en suis arrivé à la conclusion que les gens qui aiment Walter White ne le font pas à moitié. Je trouve cela fascinant de voir que malgré toutes les horreurs qu’il a traversées, il a réussi à conserver son capital sympathie. Je dois d’ailleurs avouer que j’en ai remis une couche dans les épisodes du début pour qu’on éprouve de la compassion pour lui. Aujourd’hui, Walter est dans le coeur des gens, c’est un phénomène sociologique intéressant. Soyons honnêtes: la majeure partie des gens ne s’en préoccupe pas mais son public est très mobilisé », précise-t-il encore.

breaking bad 3.jpg« Le public est intéressé par son parcours et par toutes les épreuves qui l’ont peu à peu transformé. Au départ, Walter a peur de sa propre ombre mais l’annonce de sa fin prochaine l’a complètement transformé. Les gens aiment l’idée qu’il affronte sa vie avec courage et détermination. Les héros que nous aimons sont ceux qui réussissent des choses inespérées. On s’est amusé à le créer plus malin et plus inventif que nous. Ce qui fait de nous ses premiers fans. »

Une fin à la hauteur des attentes

A l’idée de la fin toute proche de la série, ses sentiments sont mitigés. «Je voulais que cela continue toujours sur le plan personnel même si, par moments, cela a été très dur. D’ailleurs, dans les faits, l’équipe me manque déjà car nous avons fini de tourner. La série parle d’une transformation. Il importait donc qu’il y ait un début et… une fin digne des débuts, par respect pour le public et pour l’équipe. Je ne voulais pas décevoir les gens. Aujourd’hui je guette toutes les réactions suscitées par les derniers épisodes avec un mélange d’enthousiasme et d’anxiété. J’ai été très ému au moment d’écrire la fin mais j’en suis fier. Et j’ai hâte de voir la réaction du public. »
Plus que quelques jours de suspense.

Karin Tshidimba, à Deauville

mise à jour (16/09): Avec 6,4 millions de téléspectateurs, Breaking Bad vient de battre un nouveau record d’affluence à deux semaines de son épisode final, prévu le 29/9. La moyenne de la série tournait précédemment plutôt autour des 2,5 millions de fans.