Après le temps de l’ascension, vient celui de la confrontation entre Nucky Thompson (Steve Buscemi) et son fils spirituel, Jimmy Darmody (Michael Pitt). Une trahison qui va gangréner la relation entre les deux hommes tout au long de cette deuxième saison.
“La relation au père est au cœur de “Boardwalk Empire”, nous explique son créateur Terence Winter, rencontré en septembre dernier. Très certainement, parce que c’est une problématique personnelle : j’ai perdu mon père quand j’étais très jeune, cela a créé un grand vide dans mon existence et cela me bouleverse aujourd’hui que je suis père à mon tour. C’est aussi ce qui m’a fait rechercher, dans ma vie professionnelle, des “mentors” comme David Chase (créateur des « Soprano »). Dans “Boardwalk Empire”, l’histoire de Jimmy rappelle la tragédie d’Oedipe… Dès le départ, je savais que les choses allaient mal tourner entre Nucky et Jimmy depuis ce fameux jour (de la saison 1) où Jimmy dit à Nucky qu’il ne peut pas être « à moitié gangster »… »
« Je sais qu’aux Etats-Unis, ma tête est mise à prix à cause de ces événements et surtout de la fin de saison, lâche Terence Winter en riant. Cela a bouleversé et mis en colère beaucoup de fans. Mais je reste très heureux d’être arrivé à ce résultat. Aujourd’hui, les gens sont nourris au storytelling, ils voient tout arriver, c’est devenu un défi de les surprendre. »
« David Chase disait que le plus important était le mystère. Je suis tout à fait d’accord avec lui ! J’adore quand les téléspectateurs me disent : “Je ne comprends pas pourquoi il a fait ça”, ça me ravit car, moi-même, je ne pourrais pas expliquer la moitié de mes actes. Pourquoi en serait-il autrement dans les séries? La plupart du temps, nous nous mentons à nous-mêmes. Ce n’est pas parce qu’un personnage dit quelque chose que c’est la vérité! Quand on écrit, on le voit bien : la vérité d’un personnage est pleine de mensonges. C’était déjà le cas de Tony Soprano : même dans le cabinet de sa psy, il n’arrêtait pas de mentir… »
« Mad Men », « Hell on wheels », « Boardwalk Empire »… De nombreuses séries se penchent sur le passé des Etats-Unis, aujourd’hui.
« Il y a à la fois une fascination pour ce passé si exotique, et un regard beaucoup plus franc sur ce qu’était l’époque. Avec le recul, on comprend mieux le déroulement des événements. Et puis, ça nous donne des éclairages sur le présent. Parce que, quand on y regarde de plus près, les choses n’ont pas tellement changé. La corruption politique, le business avant tout, le trafic d’alcool – qui peut être remplacé par celui de la cocaïne -, ces jeunes mecs qui veulent faire de l’argent rapidement… Ca ne vous rappelle rien ? C’est aberrant qu’on n’ait pas davantage tiré les leçons du passé ! La Prohibition a donné toute son ampleur au crime organisé. Aujourd’hui, de la même façon, on laisse l’argent être le moteur de tous les trafics. »
Il y a aussi une sorte de «filiation» entre Tony Soprano et Nucky Thompson.
« Nucky représente le début et Tony la fin de cette période de l’Histoire américaine lancée avec la Prohibition. Parmi les fans de la série, il y a ceux qui aiment les histoires de gangsters, ceux qui aiment l’Histoire et ceux qui sont fascinés par l’histoire entre Nucky et Margaret. C’est très intéressant, d’ailleurs, d’écrire sur la transformation de Margaret (l’actrice Kelly MacDonald, NdlR) tout au long de la série. Car, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas seulement un univers d’hommes. Il y a vraiment des personnages féminins très intéressants: l’époque était riche et dense pour elles (suffragettes, ligue des femmes pour la tempérance). Pour la première fois dans l’histoire des Etats-Unis, elles ont eu du pouvoir. C’était une époque charnière pour les femmes. »
Lors du lancement de la série, Terence Winter évoquait la possibilité de faire 6 ou 7 saisons. « J’espère couvrir toute la période et aller jusqu’au bout de la Prohibition, en 1933. Avec la montée en puissance d’Al Capone, le massacre de la Saint-Valentin et la traversée de Charles Lindbergh, Atlantic City, ville balnéaire très fréquentée, était vraiment au sommet de la vague à cette époque. »
S’il n’est plus derrière la caméra, comme ce fut le cas pour l’épisode pilote de la série, Martin Scorsese reste très impliqué dans « Boardwalk Empire » dont il reste l’un des principaux producteurs exécutifs avec Terence Winter.
« Au début de l’année, je lui fais le pitch du thème de la saison et lorsque nous commençons à écrire les arches et les scripts, il les lit tous – même les corrections que nous y apportons au fur et à mesure. Il nous fait des suggestions pour les scénarios et même pour le choix des musiques puisque c’est un genre et une époque qu’il connaît vraiment bien. Il intervient dans les choix de casting et lorsque les premiers rushs sont disponibles, il les visionne et nous fait des suggestions de montage. Il est très présent. »
A vrai dire, la collaboration entre Martin Scorsese et Terence Winter est tellement bonne que Scorsese l’a choisi pour écrire le scénario de son prochain film : “The Wolf of Wall Street”. L’affiche de celui-ci réunira Leonardo DiCaprio, Matthew McConaughey et Jean Dujardin. Basé sur le récit autobiographique de Jordan Belfort, le film suit le destin de ce trader qui passa par la case prison.
KT
(entretien réalisé à New York en septembre 2012)
Si vous l’avez raté vendredi, le début de la saison 2 est reproposé ce dimanche à 23h50 sur Be1
Commentaires récents