Boule de billard (ou front largement dégarni), cou massif et larges épaules, David Simon en impose dès l’abord. Car, bien sûr, son statut de ponte de la série moderne n’arrange rien à l’affaire: le père de « The Wire », c’est lui !
Rencontré en septembre dernier à l’occasion du lancement de la troisième saison de son irrésistible « Treme », chronique de la Nouvelle-Orléans post-Katrina (cf. note précédente), il était cette semaine à Paris, invité par le Forum des Images, afin de promouvoir la traduction française tant attendue de sa somme littéraire «Baltimore» aux Editions Sonatine (photo Reporters).
Maître conteur nourri à la source du journalisme et du documentaire – il a travaillé durant 13 ans dans la rédaction du «Baltimore Sun» -, David Simon s’est très rapidement frotté aux plaies béantes de sa ville, refusant de détourner les yeux ou, pire, de fuir une cité à la mauvaise réputation, comme tant de gens le lui conseillaient.
Au contraire, dès 1988, il vit le quotidien des inspecteurs de la brigade criminelle afin de mieux comprendre les ressorts de Baltimore, cherchant la vérité dans chaque détail. C’est de cette expérience, au plus près de la violence et de la drogue, qu’il tire ses premiers livres, retranscrits ensuite sur le petit écran.
A chaque fois, le processus créatif est le même: une enquête d’un an, au moins, sur le terrain, qui donne naissance à un livre, point de départ d’un scénario qui ausculte la cité en long, en large et en travers. Patiemment, consciencieusement, par couches successives comme s’il s’agissait de disséquer un mille-feuilles. Ainsi son premier livre «Homicide: a year on the killing streets » (1991) donnera naissance à la série «Homicide: life on the street» (1993-1996). Ouvrage, aujourd’hui, enfin traduit en français. Viendra ensuite «The corner: a year in the life of an inner city neighborhood» (1997), fruit d’une longue enquête sur le terrain du trafic de drogue, en 1993, portée sur le petit écran sous le titre de «The Corner» par HBO en 2000.
Ces deux ouvrages ont constitué une parfaite mise en jambes pour son projet le plus imposant à ce jour: les cinq saisons mondialement applaudies de sa série «The Wire» («Sur écoute»), fruit de son nouveau travail d’enquête et de la collaboration avec Ed Burns, ancien policier et instituteur à Baltimore.
De 2002 à 2008, saison après saison, strate après strate, il y dépiaute les différents institutions de la ville (police, monde politique, système éducatif, milieu de la drogue, médias), offrant une radiographie complète et contrastée d’une cité de plus en plus critiquée et délaissée. Unanimement plébiscitée par les cinéphiles comme les sériephiles – la patte David Simon, c’est aussi une réalisation à la manière et au format du cinéma – «The Wire» devient rapidement l’objet de nombreuses études universitaires.
Après s’être penché sur le destin des «boys» envoyés en Irak en 1993 dans «Generation kill» (2008), il revient au chevet d’une autre ville traumatisée: La Nouvelle-Orléans, surnommée « The big easy » et son quartier berceau du jazz, «Treme». Reprenant le fil d’une Histoire ravagée par le passage de l’ouragan Katrina, dans une indifférence quasi généralisée, David Simon s’installe au chevet d’une population bien décidée à se relever. Il est aidé dans sa quête par son co-auteur Eric Overmyer, habitant du cru, et par son acteur principal Wendell Pierce (Antoine Batiste), natif du lieu.
Vous l’aurez compris plus d’une heure et demie de discussion en compagnie de David Simon, cela ne se refuse pas. Raison pour laquelle Alain Lorfèvre en propose un compte-rendu précis ce week-end dans le supplément «Momento». Et pour les plus curieux, ou les plus fans d’entre nous, le Forum des images propose carrément de suivre cette rencontre en différé, via la vidéo postée sur son site ce 19 octobre avec, bonheur suprême, le choix de la VF ou de la VO.
Voici le lien, c’est cadeau.
Karin Tshidimba
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