Sacrée Prix du public au festival Séries Mania 2023, cette série met en lumière le long calvaire et le traumatisme vécus par les Amérindiens et nations premières au Canada, aux États-Unis et en Australie à travers les rapts d’enfants autochtones. A voir sur Arte, à 20h50 et en intégrale sur Arte.tv
Cheveux noirs et peau mate, Esther Rosenblum (Darla Contois) est radieuse dans sa robe de cocktail. La jeune femme a terminé sa première année de droit avec succès, à Montréal et fait la fierté de ses parents adoptifs et surtout de sa mère (Lisa Edelstein vue dans Dr House) qui célèbrent ses fiançailles avec David.
Un flash-back la ramène, 18 ans plus tôt, en 1968, dans la réserve indienne de Long Pine, en territoire Saskatchewan. Celle qui se prénomme alors Bezigh vit avec ses deux frères et sa petite sœur dans une maison simple, mais baignée de douceur et de soleil, entourée de plaines à perte de vue. Son grand frère, Léo, âgé de 10 ans, est très nerveux. Il s’apprête à partir à la chasse pour la première fois avec son père. Mais ce jour va être marqué par un événement doublement tragique: Bezigh et ses petits frère et sœur vont être retirés à la garde de leurs parents.
Ce passé, longtemps enfoui, ressurgit par bribes à la suite d’une remarque blessante et raciste de la mère de son fiancé. Esther, qui avait abandonné tout espoir quelques années auparavant, est cette fois bien décidée à retrouver les traces de sa vraie famille, avant de se marier. Elle prend un vol à destination de Regina.
Rapts et assimilation forcée
Dans cette série créée par Jennifer Podemski, écrite avec Hannah Moscovitch et Shannon Masters, toute l’équipe technique est constituée d’autochtones directement concernés par ce que l’on a appelé « La rafle des années 60 » qui a touché plusieurs dizaines de milliers d’enfants. Pendant 200 ans au Canada et aux États-Unis, des politiques ont été mises en place pour enlever les enfants autochtones à leur famille et les placer dans des pensionnats. Au Canada, la pratique a été systématique entre les années 60 et 80 et a été surnommé les Sixties Scoop alias La rafle des années 60. L’histoire de la famille Little Bird, retracée au fil de six épisodes réalisés par Zoé Hopkins, est directement inspirée de ces faits réels.
Dans les réserves indiennes où il n’y a ni électricité, ni frigo, ni eau potable (à part celle de la rivière), il était en effet facile pour les services de l’enfance d’accuser les parents des premières nations, inuits ou métis de négligence. Certains travailleurs sociaux étaient d’ailleurs persuadés d’agir pour le bien des enfants en les «sauvant d’une vie de misère». Mais cette politique d’assimilation forcée avec pour seul fondement des préjugés racistes et une politique répressive a causé de véritables ravages au sein de la communauté indienne. Malgré ses effets délétères – délinquance juvénile, abus d’alcool et de drogue, etc. – cette politique se poursuit aujourd’hui encore au Canada et aux États-Unis et ressemble comme deux gouttes d’eau à celle longuement appliquée vis-à-vis des aborigènes d’Australie.
Dédiée aux familles autochtones victimes de ce système implanté aux USA et au Canada, la série Little Bird*** a profondément touché le public du Festival Séries Mania par sa réalisation sensible et soignée et son propos profondément humaniste. Elle y a remporté haut la main le prix du public en 2023. Son récit met en évidence les humiliations et le rejet dont ont souffert les premières nations partout où elles ont été confrontées aux lois mises en place par les colons ou les conquérants.
Dirigée et jouée par une impressionnante équipe de créatifs autochtones, elle explore les thèmes de l’identité, du traumatisme et de la perte tout en célébrant la résilience de l’esprit humain. Poignante et pleine de mélancolie, cette série met en lumière un génocide culturel (sic) longtemps ignoré. Au-delà des personnages qu’elle suit, elle rappelle l’importance de connaître ses racines pour pouvoir bâtir son avenir.
Karin Tshidimba
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