Pour son retour en série, la comédienne s’illustre dans un polar reptilien ancré dans une bourgade maussade du fond des Etats-Unis. A voir ce jeudi à 20h30 sur Be Séries.
L’année 2021 permet de renouer avec le talent inoxydable de Kate Winslet. Plutôt discrète ces derniers temps, l’actrice sera prochainement à l’affiche de deux longs métrages, l’un réalisé par Francis Lee et l’autre par James Cameron. Dans l’intervalle, elle est le pilier de la nouvelle production HBO, Mare of Easttown★★★.
Kate Winslet s’y glisse dans le costume discret et plutôt informe de Mare Sheehan, ancienne gloire du basket local, devenue inspectrice de police. Détective perspicace et tenace, Mare est celle sur laquelle ses administrés savent pouvoir compter, de jour comme de nuit, pour tous leurs petits soucis.
Une bourgade à l’horizon maussade
Il n’y a rien de tapageur dans le quotidien d’Easttown et Mare arbore le même profil que sa ville : discrète, solide et légèrement désabusée. Il faut dire que son quotidien est loin d’être enchanteur : son fils Kevin est mort, elle s’occupe de son petit-fils Drew, sa mère (excellente Jean Smart) vit sous son toit, sa fille lui reproche son divorce et pour couronner le tout, son ex-mari a emménagé dans la maison d’à côté.
Si on ajoute à cela le fait que Mare connaît les petits secrets de tout le monde dans la ville, on voit à quel point la série semble s’inscrire au croisement de Broadchurch et d’Happy Valley.
Outre les liens de grande proximité entre les différents membres de la communauté d’Easttown, on retrouve dans cette cité ouvrière, un peu de l’ambiance délétère de la série de la BBC : petits trafics, troubles de voisinage, délits mineurs et cuites entre ados. Bien sûr, on songe aussi à The Killing à cause de l’enquête enlisée sur une adolescente disparue et du look jeans et chemise informe d’une Kate Winslet sans maquillage.
L’ombre de Sarah Lund
Fonceuse, déterminée et entière, l’inspectrice Sheehan partage avec Sarah Lund (campée par la formidable Sofie Grabol) le refus d’arrondir les angles et l’implication tenace dans ses enquêtes.
Même si son quotidien de mère débordée et endeuillée (comme Catherine Cawood dans Happy Valley) s’insinue peu à peu au cœur de la série créée par Brad Ingelsby. L’homme connaît bien la région et a pris soin d’élaborer une histoire qui prend son temps et soigne ses personnages cabossés, souvent pris dans des engrenages stupides ou ingrats.
Dans cette petite communauté où tout le monde se côtoie, la position de l’inspectrice est d’autant plus délicate que la disparition non résolue de Katie Bailey, un an auparavant, hante encore tous les esprits et que Mare se sent personnellement visée lorsque la population affirme que la police n’a pas fait son boulot correctement.
Une Amérique oubliée
La caméra de Craig Zobel rend hommage à ce quotidien en dents de scie et nous permet d’entrer en empathie avec toutes ces personnes qui “font de leur mieux”.
Outre l’interprétation de la comédienne, tout en retenue, sa caméra naturaliste donne de l’épaisseur et de la chair à cette petite communauté oubliée de Pennsylvanie. Sa volonté n’est pas de nous jeter de la poudre aux yeux mais de lentement s’enfoncer dans le brouillard de ces vies sans véritable horizon. Entre maladies, divorces, addictions, violences intra-familiales, adolescents paumés et troubles du comportement : même si le cadre est parfois bucolique, le tableau est loin d’être reluisant, mais son authenticité lui confère un indéniable charme.
Dix ans après le succès de la mini-série Mildred Pierce (2011), Kate Winslet revient en télévision et retrouve son comparse Guy Pearce. La mini-série de Todd Haynes lui avait permis de remporter l’Emmy Award et le Golden Globe de la meilleure actrice.
Entourée de Julianne Nicholson, Jean Smart, Evan Peters et Angourie Rice, Kate Winslet démontre toute l’étendue de son talent dans ces sept épisodes de 60 minutes qui tiennent plus de l’exploration soignée d’un microcosme complexe que du thriller haletant. Mais c’est cela qui lui confère toute sa richesse.
Karin Tshidimba
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