Le cerveau humain aime à relever les défis et à tester ses limites. La preuve avec la série Rubicon***, l’anti-24h Chrono et Homeland, précurseur du Bureau des légendes. Les amoureux de codes secrets, énigmes et autres rébus auraient tort de se détourner de ce rubik’s cube télévisuel. A (re)voir sur Be à la demande.

Will Travers (James Badge Dale, vu dans 24h Chrono) travaille à l’Institut américain de géopolitique (API), une agence gouvernementale de renseignements qui traque malfrats avérés et terroristes potentiels.

Will est aussi un rescapé du 11 septembre ; l’attentat lui a fait perdre sa femme et son enfant. Fermé et solitaire, il sort pourtant de sa réserve lorsque son mentor, David Hadas, trouve la mort dans un curieux accident ferroviaire. David, lui aussi, travaillait au sein de l’API. Recoupant divers faits étonnants, Will est bientôt assailli de doutes au sujet de la nature de cet « accident », des indices qui le conduiront à tenter de dévoiler une machination gouvernementale de grande ampleur à laquelle sont mêlés divers pontes de la finance. Pour mener ce combat, il ne peut compter que sur sa capacité d’analyse, son intuition et son improbable équipe d’analystes spécialisés dans le renseignement.

Dans cette atmosphère pleine de tensions et proche de la paranoïa où de nombreuses questions demeurent sans réponse, il est toujours beaucoup plus compliqué, et moins sexy, de prouver l’existence d’une menace souterraine que d’affronter un ennemi en pleine lumière. C’est sur ce paradoxe que se bâtit toute la série. Amis de la minutie et des détails qui font sens, Rubicon*** est votre meilleur allié. Cette production AMC allie à la réflexion, le goût pour les stratégies occultes et les thrillers politiques, tout en adressant un hommage appuyé au cinéma des années 70 et à ses héros, faussement inoffensifs et au charisme discret.

Des chiffres, des lettres et des symboles

La mise en scène virtuose se joue des reflets, des lignes, des croisements et des angles qui jalonnent le réel et renvoient aux piles de documents qu’il faut analyser, croiser et décrypter à longueur de journées. Un boulot de l’ombre, relativement ingrat, dont l’issue reste souvent incertaine car malgré les signaux avant-coureurs qu’ils détectent, les décideurs en haut lieu ne tiennent pas toujours (souvent?) compte des mises en garde des analystes. Au grand dam de son collègue Miles (Dallas Roberts).

Depuis le 11 Septembre, les séries traitant de la théorie du complot ne manquent pas, mais dans Rubicon, toute l’attention est portée sur la psyché humaine et la façon dont chaque cerveau tente de dénouer l’écheveau de données auquel il est confronté. On pense aux Trois jours du Condor de Sydney Pollack à cause de l’atmosphère de suspicion et de la fascination pour les énigmes à multiples inconnues, mais pas seulement. Si le premier rôle est confié à quelques esprits brillants, des génies capables de craquer les codes secrets bien plus efficacement que les plus puissants des ordinateurs, il y a chez ces passionnés d’échecs, de casse-tête et de mots croisés, un côté presque radicalement non dramatique et fascinant.

Associée à une élégante photographie, à un sens aigu de la géométrie des espaces et de la singularité des cadrages, cette intrigue à tiroirs prend la forme d’un puzzle qui ne se laisse pas aisément reconstituer. Tellement peu aisément que la série n’a pas réussi à conserver suffisamment de fans et qu’AMC l’a annulée au terme des 13 premiers épisodes pourtant concluants et prometteurs. Une saison unique, 13 épisodes. Quelle ironie quand on songe à la symbolique des chiffres à laquelle certains personnages étaient tellement attachés…

Il faut dire que sa gestation s’était déjà révélée chaotique, son créateur Jason Horwitch ayant quitté le navire  avant même qu’il ne prenne la mer. Le projet a ensuite été repris par Henry Bromell, ancien d’Homicide, autre référence en matière de polar.

Karin Tshidimba

Une première version (courte) de cet article avait été publiée lors de la diffusion de la série en Belgique en 2011.