Entre Belgique et Scandinavie, il y a plus qu’une proximité géographique en matière de production de séries. « Les Scandinaves proposent un modèle de production de séries qui correspond davantage à ce que nous faisons en Europe », détaille Sylvie Coquart, responsable de l’Unité Fiction à la RTBF.
« Aux USA, c’est très hiérarchisé, il faut écrire très vite, il y a un calendrier précis pour présenter et produire sa série. Le mode opératoire US met en avant la figure du showrunner qui a beaucoup de responsabilité mais est un scénariste qui a 10 ans d’expérience, a été sur les plateaux et connaît tous les rouages. Ce qui n’est pas encore le cas des scénaristes belges. »
La semaine dernière, Sylvie Coquart-Morel, responsable de l’unité Fiction à la RTBF (photo du milieu), invitait au nom de l’Atelier du Fonds des séries belges deux réalisateurs et un producteur de séries scandinaves afin de répondre aux questions des futurs créateurs de séries belges (cf. note précédente). En réponse à nos questions, elle souligne les points communs entre Belges et Scandinaves et les avantages du modèle européen.
En photo: Bård Fjulsrud et Håkon Briseid, créateurs de la série Borderliner (disponible sur Netflix) deux des invités de l’Atelier du Fonds des séries belges.
Le système scandinave est plus récent que le modèle américain…
Oui, il y a 10 ans, leur industrie démarrait et n’était pas reconnue sur la scène internationale comme elle l’est aujourd’hui. Il y a eu, comme en Belgique, une volonté politique de valoriser la culture danoise, norvégienne ou suédoise. C’était une politique d’auteurs qui ressemble beaucoup à ce qu’on fait. A savoir : accompagner les auteurs et leur donner une place centrale sans pour autant leur donner la position de showrunner que personne ne peut occuper ici, faute d’expérience suffisante. Au lieu de mettre en place un système pyramidal, les Scandinaves ont été obligés d’inventer des processus plus collaboratifs entre auteur, réalisateur et producteur pour que tout le monde partage la même vision du projet. Et que les gens travaillent dans un bon équilibre même si parfois, c’est tendu.
« Le système scandinave repose sur un modèle collaboratif entre auteur, réalisateur et producteur.”
Concrètement, cela fonctionne comment ?
L’auteur principal, qu’ils n’appellent pas showrunner, est partie prenante de toutes les décisions. Le réalisateur doit se forcer à parler à l’auteur principal et au producteur pour dire ce qu’il va faire. Cela doit être une discussion. Les castings, décors, etc., sont choisis en cohésion entre les trois. C’est ce qu’on a implanté tout de suite parce que cela correspondait à une réalité belge. Les auteurs n’ont pas beaucoup d’expérience, les réalisateurs non plus (du moins dans le domaine des séries) idem pour les producteurs. Donc, plutôt que de donner tout le pouvoir à une personne, on s’est dit qu’on allait former tout le monde au même niveau pour que les gens se parlent.
Ce processus collaboratif repose aussi sur une série d’outils précis…
Oui, comme la bible de réalisation qu’on a présentée en janvier dernier dans le cadre de l’Atelier du Fonds et qui oblige le réalisateur à expliquer ce qu’il va faire. Et si cela ne paraît pas cohérent à l’auteur principal ou au producteur (en termes de vision et de budget) ils peuvent l’interroger. Il peut alors s’expliquer : « J’ai vraiment une idée, je veux aller plus loin dans cette direction-là, etc. » Et si cela ne convainc pas les deux autres, c’est que ce n’est pas le bon réalisateur ou la bonne réalisatrice pour le projet.
Tout repose, donc, sur le dialogue à trois…
Oui. L’important est d’instaurer la discussion. Alors qu’au cinéma, le réalisateur est souvent partie prenante dans l’écriture et décide, seul, tous les choix artistiques. En série, ce n’est pas possible. D’autant que le réalisateur ne va pas réécrire les huit ou dix épisodes, surtout s’il n’est pas scénariste lui-même. Il faut donc qu’il lise bien le projet et fasse une proposition artistique de réalisation sur base d’une proposition artistique d’écriture. Il faut qu’auteur et réalisateur partagent une vision du projet et se mettent d’accord sinon cela ne fonctionne pas. Le producteur, aussi, a une vision artistique du projet et il faut qu’il fasse son job, à savoir dire : « Vous avez 58 séquences, on va redescendre à 52 parce que sinon cela ne fonctionnera pas dans un 52 minutes. Telles ou telles séquences sont irréalistes ou impayables. »
L’idée est vraiment que tous soient parties prenantes du même projet, c’est la grande leçon des Nordiques, même s’ils l’ont fait d’une façon un peu différente de la nôtre. Cette invitation de lundi (4 juin, NdlR) était aussi une réponse à une demande des étudiants de l’Atelier du Fonds qui voulaient rencontrer des réalisateurs et scénaristes nordiques pour y voir plus clair…
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