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american crime 1.jpgUn coup de fil dans la nuit. Une voix inconnue annonce à un homme la probable mort de son fils, Matt, lors d’un cambriolage. L’officier le prie instamment de venir sur place afin de reconnaître le corps. Russ Skokie (Timothy Hutton), tiré de son sommeil par cette macabre nouvelle, apprend dans le même temps que sa belle-fille, Gwen, agressée par les voleurs, est dans un état critique.
Ainsi démarre American crime*** nouvelle série brûlot lancée par ABC début mars et déjà diffusée en France sur Canal+.

Cette intrigue vous tombe un peu comme un coin de météorite sur le crâne. Dès les premières secondes, on est saisi par cette intrigue âpre et frontale dont on préfèrerait penser qu’elle appartient au passé. Mais il n’en est rien. Tout cela se déroule dans l’Amérique d’aujourd’hui sous nos yeux consternés. Comme si une ligne en pointillés avait été tracée tout droit depuis Selma (Alabama) jusqu’à Modesto (Californie) en passant par Ferguson.

Rien n’est oublié, si peu a été modifié ou réparé, tout reste à faire. American Crime prouve une fois encore que les a priori ont la vie dure. C’est d’ailleurs l’impression que donnait, la semaine dernière, un certain article du site Deadline qui a provoqué bien des remous et des indignations au sein du «petit monde» de la télévision (cf. note précédente).

american crime 2.jpgImmigration, tensions raciales, inégalités face à la Justice, addictions, drogue, prostitution… Tous les maux de l’Amérique contemporaine sont abordés frontalement et American crime regarde bien en face le racisme ordinaire de ses concitoyens. C’est la force de cette série aussi sinueuse et complexe qu’une véritable enquête de police. D’autant que le rôle principal, le plus fiévreux, est confié à une comédienne d’exception: Felicity Huffman (aka Lynette Scavo dans Desperate Housewives).
A l’écran, Barbara transpire littéralement la haine, froide, intangible, contagieuse. Rien ne peut lui ôter de l’esprit que les assassins de son fils, des « illégaux » et des « marginaux certainement », doivent « être châtiés, sans délai ». Afin que « justice soit rendue » à son « bébé » qui, lui, était parti se battre jusqu’en Irak « pour défendre son pays ».

Malgré le fait que quatre parents ont été frappés conjointement par ce drame, il est impossible pour elle de voir plus loin que sa propre douleur. D’autant que Barbara n’a jamais pardonné à son ex-mari, Russ, de l’avoir un temps abandonnée avec leurs deux fils. Aujourd’hui elle estime donc être la seule affectée par cette mort violente.
Tout transpire la rancoeur tenace et le racisme ordinaire chez cette femme froide et déterminée. Tout vous glace le sang dans ces premiers épisodes.

Créateur et producteur de cette série en onze volets, John Ridley («12 years a slave») a réuni un casting ambitieux à la hauteur de son intrigue qui mêle les déficiences du système judiciaire américain, les gangs tout puissants et les « paumés Blancs », ainsi que les ombres menaçantes des partisans de la peine de mort et des croyants trop fervents.

Malgré un écheveau plutôt dense, on voit bien vite quelles cordes seront tirées en premier lieu: celles de l’intolérance, de l’aversion, de la vengeance, du mépris et de la violence. On continue donc à marcher sur des oeufs, convaincus de la lourdeur du procès à venir et de la complexité qu’il ne manquera pas de faire surgir. D’autant que nombre des protagonistes de ce drame, ce banal mais sordide fait divers, ont un passé plutôt chargé.

En révélant au grand jour les vilains secrets ou dérapages que chaque personnage cache, John Ridley invite le téléspectateur à réviser ses jugements trop hâtifs et souvent réducteurs.
KT

nb: Après Lili Taylor, la comédienne Connie Britton (Friday Night Lights) rejoint aussi le casting d’American Crime.