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masters 1.jpgL’heure du bilan est proche.
2013 déroule ses dernières vidéos pratiquement sans surprise à l’image d’une rentrée (américaine) à l’électro-encéphalogramme résolument plat.
Pourtant, dans cet océan de propositions convenues, côté thrillers, voire gentillettes, côté comédies, une nouveauté a su tirer son épingle du jeu, sorte d’outsider passé maître dans l’art du bluff.

Cette série, c’est Masters of sex, un titre court et choc qui cache une réalité riche et subtile et mérite amplement qu’on la découvre ou qu’on y revienne pendant cette trêve hivernale.

Un sujet au discret parfum de scandale, une mise en situation volontairement scabreuse: il n’en fallait pas plus pour projeter la nouveauté Showtime sous les projecteurs. Pourtant, très rapidement, la série écrite par Michelle Ashford apporte à son sujet la pertinence et l’attention d’une quête au long cours. Se révélant, au fil des épisodes, bien moins provocatrice ou glauque que son titre ne pouvait le laisser croire. Et en tout cas, pas du tout sordide, au contraire d’un tas d’autres avant elle.

masters.jpgS’engageant sur les traces de deux pionniers en la matière, les chercheurs William Masters et Virginia Johnson, sa thématique est d’ailleurs on ne peut plus sérieuse puisqu’elle retrace les premiers pas de la sexologie aux Etats-Unis, dans les années 50. Une épopée intime relatée dans le roman de Thomas Maier.

N’envisageant nullement la relation sexuelle comme une prise de pouvoir ou un mode d’asservissement, Masters of sex s’éloigne rapidement des eaux où se baignent des séries comme les Tudor ou Game of Thrones. Il en résulte une vision dynamique et créative de la science mêlant à la fois des éléments de psychologie et de sociologie humaine.
Insatiable et littéralement hanté par son sujet, William Masters (excellent Michael Sheen) se sent comme un homme assis au fond de sa caverne, cherchant en vain le chemin vers la lumière. Ce qu’il souhaite par dessus tout, c’est comprendre le «pourquoi du comment», pas seulement les manifestations physiques du désir et de l’attraction mais aussi tous les marqueurs de l’ébullition psychique, physique et émotionnelle qui peinent pourtant à résumer l’alchimie qui peut naître entre deux êtres.

Fasciné par cet univers aux manifestations complexes, William Masters apparaît en effet rapidement comme un praticien peu doué en la matière. Et une grande partie de l’intérêt et du piment de cette série naît de ce décalage flagrant entre sa volonté de comprendre la sexualité féminine et son incapacité à la cerner, à la ressentir ou à l’anticiper. Brillant théoricien mais amant cadenassé et macho, il se révèle assez lamentable quand il s’agit de passer à la phase pratique.

masters 2.jpgLa grande force de Masters of sex réside dans cette description subtile de personnages en proie au questionnement et au doute, à la recherche d’une part secrète d’eux-même. Entamée avec quelques prostituées volontaires, l’étude du professeur Masters se poursuit ensuite au sein même de l’hôpital. Après une longue lutte et d’âpres négociations, il peut en effet observer des volontaires de tous âges et de tous horizons – condition indispensable si l’on veut produire un échantillon scientifique valable. Cette étude envisage les déçus comme les rétifs, les frigides comme les expansifs, ceux qui parviennent très bien à séparer l’acte des sentiments et ceux qui y échouent lamentablement, révélant une galerie de portraits diversifiés et touchants d’hommes et de femmes qui, sans toujours se l’avouer, recherchent avant tout reconnaissance et réconfort dans l’explosion des corps.

A ce sujet, les deux personnages principaux sont particulièrement intéressants et touchants, charriant tous les deux une joyeuse part d’ambiguïté et de mystère. La gracieuse Virginia Johnson (Lizzy Caplan) se révélant aussi fine, perspicace, franche et créative que son partenaire est rigide, taciturne et dissimulateur.

Malgré ce que les (premières) images auraient pu laisser croire, on est très loin de la vision triste et dégradante charriée par une série comme Xanadu, série française qui entendait explorer l’univers de la pornographie, ou même de Hard, autre série française, qui envisage la question sous l’angle de la pure comédie.

Au-delà de l’étude proprement dite, cette série évoque en effet un vaste champ d’expériences humaines. Celles d’un couple face à l’infertilité, de partenaires mal assortis, d’attirances jugées «déviantes» ou la quête obsessionnelle de l’homme ou la femme idéale. Tout cela sans oublier le poids de la morale, les prescrits sociaux, les questions de bienséance ou d’usure de la relation.

Multiple et complexe, Masters of sex est donc une très jolie surprise, sur le plan de la thématique comme de l’interprétation. En outre, la série permet de retrouver des acteurs appréciés dans des rôles inédits (Allison Janney vue dans The West wing). Enfin, elle offre une belle revanche à Showtime qui a vu pâlir, au cours de ce début de saison, l’étoile de son autre série-phare: Homeland.

Après des préliminaires plus qu’emballants et une montée en puissance mariant intelligence et élégance, la série, joyeux mélange de Mad Men et de Sex and the city, a été renouvelée pour une saison 2. Une nouvelle applaudie par une critique et des fans (5,4 millions en moyenne) conquis.
KT

ps: N’oubliez pas de voter pour vos séries et acteurs préférés en vue de la prochaine cérémonie des Golden Globes  le 12 janvier (cf. note précédente).