hatufim.jpgOn a déjà causé, ici même, de cette série israélienne qui a largement inspiré la trame d’Homeland. Son créateur, Gideon Raff a même travaillé à son adaptation aux Etats-Unis avec Alex Gansa et Howard Gordon.
Dès jeudi, vous pourrez la regarder en toute légalité car Arte la programme à 20h50, du 9 mai au 6 juin. Un drame choc mais salutaire sur la délicate sortie de l’enfer.

Après 17 ans de déni, de négociations tatillonnes et d’attente interminable, trois prisonniers israéliens sont enfin extraits de leurs geôles au Liban. Un bonheur incomparable pour les familles et le pays qui accueille ses enfants en héros. Mais la bonne volonté de tous suffira-t-elle? Arrivés tout jeunes adultes sur le front, les voici de retour à l’aube de la quarantaine, affaiblis, hésitants et peinant à réagir autrement qu’en animaux traqués. Hatufim*** retrace leur histoire.

Pour Nimrod (Yoram Tolledano) qui tente de camoufler derrière son humour et sa grande gueule les traces d’un traumatisme sévère, les choses semblent simples, en apparence. Sa femme Talia (Yael Abecassis) véritable héroïne de la nation n’a cessé de lutter tout au long de ces 17 années, organisant manifestations et pétitions pour peser sur les négociations en cours et forcer le gouvernement à obtenir la libération de son époux. Maintenant que le voici libéré, se pose la question de son rôle précis aux côtés de son mari. Nimrod, quant à lui, doit apprendre à connaître ses enfants, Dana et surtout Hatzav qu’il n’a même pas vu naître.

hatufim 3.jpgPour Uri (Ishai Golan), le plus fragile des deux, il va surtout falloir accepter l’idée que Nurit (Milia Avital), l’amour de sa vie, ne l’a pas attendu et a même épousé son frère. Un choc qui s’ajoute à celui de l’annonce du décès de sa mère durant ses années de captivité.
Libres, il leur faut désormais imaginer une vie nouvelle, loin du spectre des tortures et de la peur constante, en laissant derrière eux le souvenir de leur compagnon d’armes,
Amiel, décédé en captivité. Un décès que sa soeur Yael, qui a passé 17 années dans l’espoir et l’attente, a beaucoup de mal à dépasser.

Bâtie sur ce trio, et les nombreux proches qui les entourent, « Hatufim » s’affirme donc comme très différente de la série « Homeland » qu’elle a pourtant inspirée. Drame intimiste et choral faisant écho à une problématique nationale, la série israélienne évoque avant tout le délicat retour des prisonniers de guerre. Chacun d’eux doit apprendre à réintégrer la société et sa famille, tout en surmontant les traumatismes nés de l’isolement et de la barbarie.
Si la question des informations divulguées durant ces années de captivité est effectivement creusée – ainsi que la possibilité que les soldats libérés soient devenus des traîtres à leur patrie ­- elle l’est parallèlement à l’analyse de la vie «envolée», pour les prisonniers comme pour leurs proches… L’hypothèse des «soldats retournés» est donc loin d’être centrale dans la version originale même si, en Israël aussi, elle est traitée de façon plutôt musclée.

hatufim 2.jpgSujet tabou par excellence, selon les dires de son créateur Gideon Raff, la question des otages n’avait jamais été bordée dans une fiction auparavant, pourtant elle concerne pas moins de 1500 hommes aujourd’hui encore en Israël. «Tout le monde veut croire à un happy end. Le pays n’est pas capable de faire face au syndrome post-traumatique des prisonniers libérés, aux familles qui se disloquent, aux vies brisées.»
Hatufim démarre donc là où la plupart des récits se terminent: au moment du retour à la maison. Pour découvrir que la plupart de ces hommes ne parviennent pas à redevenir ce qu’ils étaient avant. Ajoutez à cela, la peur omniprésente de la trahison ou de la riposte de l’ennemi et vous obtenez une fiction sous tension qui avait forcément de quoi séduire les Américains toujours en pleine réflexion post-2001.

Racontée par Gideon Raff, cette situation de paranoïa larvée a largement inspiré les créateurs de «Homeland» comme ce fut le cas précédemment avec un autre drame psychologique d’origine israélienne «Be tipul » transposé en «In treatment» (« En analyse ») avec l’acteur Gabriel Byrne aux Etats-Unis.
«Hatufim» (titre hébreu) ou «Prisonners of war» (titre anglais) est programmée depuis 2010 en Israël sur la chaîne Keshet TV. Elle a enregistré la plus forte audience de l’histoire des fictions télévisées en Israël. La saison 2 s’est achevée en décembre dernier. La saison 3 est en cours d’écriture.
Et le trailer ? Vous le trouverez ici.

KT