Treme (saison 2)

treme.jpgIl n’est pas né l’ouragan qui empêchera La Nouvelle-Orléans de danser. Au fil d’une saison (10 épisodes), un attachement réel s’est établi avec les habitants de Treme***: le tromboniste Antoine Batiste, LaDonna luttant pour son café, Toni l’avocate infatigable, le grand chef Lambreaux, mais aussi Janette, privée de son resto, DJ Davis toujours dingue de musique et Annie, la violoniste virtuose Tous ont connu victoires et défaites lors de lendemains douloureux qui n’ont pas pu obliger la ville à lâcher sa dernière note.

Le caractère documentaire de cette série, sorte de plongée en immersion dans les affres de l’après-Katrina, les a rendus si proches que leur quotidien était presque palpable. On est donc heureux de pouvoir prendre de leurs nouvelles 14 mois après la catastrophe qui s’est abattue sur La Nouvelle-Orléans. La plus importante depuis le séisme qui a frappé San Francisco.

Malheureusement, les nouvelles sont loin d’être bonnes : un tas de chantiers n’ont été qu’ébauchés et tant de problèmes restent à régler. Sortis de la stupeur et de l’abattement, il faut désormais lutter pour reprendre pied, à l’image d’Antoine Batiste (formidable Wendell Pierce !) qui tente de monter son propre groupe, ou du chef Lambreaux (Clarke Peters) forcé de tout recommencer dans une autre maison.

Cette nouvelle saison introduit le personnage de Nelson Hidalgo (campé par Jon Seda), venu tout droit de Dallas avec l’idée de faire fortune dans la reconstruction et le déblaiement. Figure archétypale du républicain capitaliste et opportuniste, Nelson découvre la ville avec des yeux aussi gourmands qu’émerveillés, mais il sait aussi en apprécier la meilleure part (ambiance, musique et gastronomie).

A travers ce nouveau personnage, David Simon et Eric Overmyer saisissent l’occasion de prolonger la réflexion, amorcée dans la première saison, sur le destin controversé de Nola, dont on a pu craindre à certains moments que les autorités veuillent en faire une sorte de parc d’attractions géant pour industriels fortunés. Comment ? En dissuadant consciencieusement la population la plus pauvre (à 80 % noire) de revenir s’y installer, et en tentant de couper net certaines racines culturelles (processions et musiciens de rue) qui ont fait sa réputation. Oubliant un peu vite que c’est cette tradition qui a fait de Nola un haut lieu de brassage et de mixité (population, musique, cuisine) et l’un des principaux bastions des Etats du Sud.

En 2006-2007, La Nouvelle-Orléans a connu un important pic de criminalité auquel les services de police, en sous-effectif, désorganisés et convalescents, n’ont pas su faire face efficacement. Fidèle témoin et porte-voix de la ville, la saison 2 de « Treme » se fait l’écho de cette réalité qui n’empêche pas les lueurs d’espoir. « Ce second chapitre va être plus sombre encore que le premier, avant de devenir plus lumineux », soulignait Eric Overmyer, scénariste et producteur, en le présentant à la presse. A cela s’ajoute une quête musicale toujours foisonnante qui vaut à elle seule le détour (*).

On a beaucoup comparé la série « Mad men » à une parabole de la chute d’un homme. Dans cette même veine, « Treme », nouveau roman filmé du duo Simon-Overmyer, est la métaphore de la lutte d’une ville, sa tentative désespérée pour se relever et retrouver sa dignité. Travaillant avec un plan précis en tête, les deux auteurs ont annoncé que « Treme » connaîtrait quatre saisons et qu’elle continuerait à coller à la réalité, aucun bond dans le temps n’étant au programme La saison 3 est attendue le 23 septembre aux Etats-Unis.
KT
(publié le 11.08.2012)

(*) Cerise sur le gâteau, pour tous les fans de musique, la saison 1, récemment éditée par Warner Home vidéo, propose parmi ses bonus une visite du quartier de « Treme » avec rappel des figures marquantes du jazz qui y ont vécu, et une exploration circonstanciée des principaux morceaux qu’on a pu y écouter.